Il y aurait beaucoup d’ironie à appliquer ces vers aux Roubaisiens : le cours d’eau qui arrose leur territoire n’est pas une rivière, encore moins un fleuve et on les voit difficilement s’y désaltérer, mais enfin, ils en ont un et ils peuvent dire : « Mon verre n’est pas grand mais je bois dans mon verre ».
Roubaix tire son nom, si nous en croyons les étymologistes, de deux mots tudesques : Ross : plaine marécageuse et Bach ou Bais : ruisseau. Un mince filet d’eau serpentant au milieu des bois, à travers des prairies qu’il inonde à la mauvaise saison, tel était quand nos premiers ancêtres vinrent s’installer sur ses rives, le cours d’eau dont je vais vous tracer le parcours.
Quantum mutatus ab illo : ces bois où l’on croyait entendre les oréades répondre aux naïades – Ces près fleuris – Ce clair ruisseau où buvaient les colombes et où, au début du siècle dernier, on pêchait encore des écrevisses, si j’en crois les mémoires d’Henri Dubar-Ferrier. Tout cela a disparu, et ce clair ruisseau, serré dans un corset de briques, est devenu sur tout son parcours un égout qu’il serait difficile de poétiser.
Trichon est composé de deux mots : trierss ou tirss et on. « Trie – Tries – Triez » : (je cite Leuridan à qui d’ailleurs j’ai beaucoup emprunté) désigne un certain espace de terrain abandonné par les eaux d’un ruisseau ou formé par ses alluvions ; « on » signifie eau, ruisseau. Trichon serait une appellation générique à qui l’usage a donné un sens particulier et qui s’est étendue au ruisseau même qui a produit le triez, au bois qui croissait sur ses rives et au hameau qu’il arrosait.
Notre riez est le riez de Favreuilles, qui se prolonge par le riez du Trichon, du Triechon ou Tricson. Il prend sa source près de la ferme Deldouille, située sur le territoire de Mouvaux, entre le chemin des Duriez et le Boulevard Carnot. Vieille ferme qui existait au 18e siècle, sous le nom de Cense Douille et qui garde encore en partie ses toits de chaume et son fossé mais qui disparaîtra bientôt car ses terres sont de plus en plus envahies par les constructions.
Il reçoit les eaux des fossés qui sillonnent d’une par les versants sud de la petite éminence sur laquelle est bâtie Mouveaux et de la butte qui supporte le réservoir des Bonnets et, d’autre part celles des fossés qui bordent le chemin des Duriez et la rue Lamartine jusqu’au Grand Cottignies.
On serait peut-être tenté de croire que le Riez a donné son nom au chemin des Duriez ou Ouriez. Il n’en est rien, car ce chemin aboutit à un lieu dit « Duriez » situé entre le boulevard de la Marne et la propriété de M. César Pollet où se trouvait au début du 18e siècle une cense du nom de Dury.
Le riez longe la rue des Lilas ; à cet endroit, il est encore bien modeste, car il ne représente qu’un fossé passant sous un trottoir. Il continue le long de l’avenue Gustave Grau dans les jardins compris entre cette avenue et la rue du Congo. Il forme la limite de la propriété actuellement lotie de M. Victor Vaissier, autrefois campagne de M. Bulteau-Lenglet et aboutit au canal. Quelques pans de murs indiquent encore l’emplacement du château de M. Bulteau au bord de la rue de Wasquehal en face de l’usine Noblet. M. Vaissier, qui était un grand amateur de chevaux, en avait fait de belles écuries.
Le Trichon traverse le canal dans un siphon : après sa résurgence, il circulait récemment encore à ciel ouvert sur un terrain qui longe le canal entre celui-ci et la rue Carpeaux à Wasquehal. Il fut recouvert il y a quelques années quand la maison Carette-Duburcq acheta le terrain pour servir de décharge. Il traverse la rue Carpeaux, puis la rue Lafontaine et arrive à la rue du Riez à qui il a donné son nom d’une façon certaine cette fois.
Autrefois, depuis la rue de Wasquehal à Mouvaux jusqu’à la rue de la Mackellerie, c’est à dire jusqu’à son entrée sur le territoire de Roubaix, il servait de ligne de démarcation entre Tourcoing d’un côté et les trois communes de Mouvaux, Wasquehal et Croix de l’autre. Cela n’est plus très exact car il a été canalisé et d’une façon malheureuse : le rétrécissement de son lit amène, par les grandes pluies, l’inondation du quartier. Il sert successivement d’aqueduc à la rue du Riez à une partie de la rue du Croix et à la rue des Trois-Villes.
Il pénètre sur notre territoire au carrefour de la rue de Constantine à Tourcoing, de la rue Boucher-de-Perthes à Roubaix et de la rue de la Mackellerie qui sépare les deux communes, passe sous l’usine Lemaire et Dillies, autrefois Richard Desrousseaux, à travers l’emplacement de l’ancienne usine Gaydet, traverse la rue du Luxembourg, passe sous l’usine des Anciens Etablissements Cordonnier, traverse le chemin de fer à cinquante mètres environ du pont des Arts, coupe la rue de la Digue et la rue du Vivier. Ces deux noms sont significatifs : le dernier volume de l’histoire des rues de Leuridan nous renseignera sans doute sur l’étang alimenté par le Riez à cet endroit.
Celui-ci arrive à l’ancien abreuvoir. J’ai dit que le riez avait failli être barré par le cadavre d’un baudet qui s’y était noyé, histoire qui a quelque analogie avec celle de la sardine bouchant le port de Marseille et qui me rappelle la triste fin d’un autre Martin. Il existe au n° 18 de la rue de Mouvaux, une maison basse, sans étage, qui est l’ancien « cabaret de l’Ane rouge » ainsi dénommé pour rappeler le sort d’un malheureux animal que son maître, sur le conseil d’un mauvais plaisant, enduisit de pétrole et grilla pour n’avoir plus la peine de le tondre.
Après sa traversée de la rue de l’Epeule, le riez passe sous l’ancienne usine Ernoult-Bayart, coupe le square Pierre Catteau presque le long du Tribunal de commerce, franchit la rue Mimerel en son milieu, passe à travers l’emplacement de l’usine Prouvost-Screpel, puis Georges Masurel, sous la teinturerie Auguste et Jean Dubar et rejoint la rue des Fabricants sous l’ancienne Ecole qui fait l’angle de cette rue avec la place du Trichon.
Autrefois, il arrosait à cet endroit « Le hamel », carrefour et amas de maisons appelé le Tricson qui faisait partie de la seigneurie de Favreuil et qui lui a donné son nom. Il serpentait à travers le bois du Trichon qui, vers le nord, arrivait jusqu’aux clôtures du cimetière de la chapelle Saint-Georges et des maisons bâties le long de la rue de ce nom. Ce bois, dont il y a cent ans, il existait encore des vestiges, contenait 2 bonniers, soit 2 hectares et demi (le bonnier est une mesure agraire de la Flandre Française qui, suivant les localités, valait de 122 à 142 ares). Ce bois a disparu depuis longtemps ; en 1649 il était déjà converti en labours. A cette époque, un sentier descendait de la Chapelle Saint-Georges et allait rejoindre, au hameau, le cabaret du Croque Chuque en passant le riez sur une simple planche.
Le long du riez, entre le Trichon et la rue Neuve, s’étendait encore en 1826 le Curoir, établissement où les ménagères du bourg faisaient curer leur linge moyennant finance et qui consistait en un pré sillonné de fossés desservis par le riez. Son souvenir est resté dans le nom de la rue du Curoir.
Ne quittons pas ce quartier sans signaler que lorsqu’il s’est agi de tailler un domaine à la seconde paroisse de Roubaix (à l’église Notre-Dame), le côté gauche du riez depuis la rue de la Mackellerie jusqu’à la rue du Bois en fixa la limite.
On se demande pourquoi, puisqu’il n’existait alors que deux paroisses, on n’a pas étendu la ligne de démarcation sur la rive droite : c’est qu’il n’existait encore en 1840, sur cette rive, que des fermes et quelques hameaux : Favreuil – Le Trichon – Le Pile – Les Trois Ponts. Jusqu’à la Révolution, tout le développement de Roubaix s’est fait sur la rive gauche. A cette époque, le riez constituait la limite de l’agglomération, depuis la place de la Liberté jusqu’à la rue de l’Epeule.
Le riez passe sous l’usine Deschepper, coupe la rue du Nord au n° 10, traverse la rue du Curoir près de la porte du Nord-Tourisme et arrive à la rue du Maréchal Foch en face de l’Automobile Club, à un endroit où une double plaque d’égout de chaque côté de la rue indique son passage et l’emplacement du second pont.
Il traversait autrefois la rue Neuve (rue Maréchal Foch actuelle) un peu plus haut, en face de la rue des Fabricants. Il y eut à cet endroit un premier pont qui fut remplacé par un autre, sans doute plus large et mieux adapté à la circulation. Je cite : « en 1727, on construisit un nouveau pont en remplacement du vieil pont sortant du Bourg allant vers le moulin ».
La déviation du Riez eut pour conséquence d’agrandir le jardin de l’hôpital sans déplacer toutefois l’arrivée des eaux dans les fossés du château. Le nouveau pont avait 45 pieds de longueur, soit environ 15 mètres. On pourra s’étonner d’une pareille importance, mais il faut supposer que le riez avait un débit très variable, puisque, mince filet d’eau parfois, il inondait à l’occasion les près de la grande brasserie et la plaine jusqu’à Wattrelos.
Certaines dénominations de lieu, comme autrefois la Digue du Pré et actuellement encore, la rue de la Digue, rappellent qu’il fallait parfois contenir ses eaux. Il n’a pas changé d’ailleurs et surtout depuis que son bassin est presque complètement couvert de pavés et de toitures : il ne peut y avoir de grandes pluies sans que les caves des riverains ne soient inondées.
En 1693, d’après un « cueilloir » d’impôts, le château comprenait dans son enclos « puy, beffroi, donjon, basse court, amasse de granges, écuries, estables, ponts » et plusieurs autres édifices entourés d’eau, jardin de plaisance et pour la cuisine, le tout repris pour 2 bonniers.
D’après le plan qui nous a été laissé par Sanderus, l’ensemble formait un vaste rectangle aux coins arrondis, ayant approximativement 200 mètres de long sur 100 mètres de large. Le château se trouvait très probablement dans la rue du Château, prolongement de l’ancienne avenue du Château à l’endroit où la chaussée présente un léger renflement en face de l’ancienne maison de Mr Delannoy-Leroux, au n° 9. Le château était bâti sur une motte un peu élevée. Le domaine comprenait deux enceintes de fossés, une pour le château et l’autre englobant les jardins et la basse-cour qui se trouvait devant le château du côté de l’église. Le fossé extérieur dont nous nous occupons seulement était donc constitué par quatre parties droites. L’une le long de l’actuelle rue de la Poste, deux autres qu’on peut situer d’un côté, entre la rue du Château et la rue Jeanne d’Arc, parallèlement à ces rues, et enfin une quatrième au niveau de la façade du bâtiment de la chambre de Commerce sur la Grande Place.
Le Riez débouchait dans ce fossé à l’angle du quadrilatère après avoir contourné en remontant un peu vers Saint-Martin, le fond du jardin de l’hôpital.
Il s’échappait par l’angle diamétralement opposé qui se trouvait à l’endroit où les bâtiments de l’institution de la Sagesse donnent sur la rue de la Poste. Mais tout cela est de l’histoire ancienne, car du château et de ses fossés, il ne reste plus rien.
A partir de l’endroit du pont de 1727, il a été depuis dévié et transformé en aqueduc. Il tourne à angle droit, suit la rue du Maréchal Foch jusqu’à la rue de la Poste (ancienne rue de l’Union) fait encore un angle droit pour suivre celle-ci sur l’emplacement de l’ancien fossé jusqu’à l’institution de la Sagesse où il retrouve son cours à l’endroit où il servait autrefois de décharge aux fossés du château.
Il passe sous cet établissement, dessine un arc de cercle en passant dans l’ancien jardin de M. Léon Motte où il contournait à dix mètres environ du coin, le pavillon circulaire qui se trouvait autrefois à l’angle de la rue de la Sagesse et de la rue Jeanne d’Arc, traverse celle-ci en biais, passe sous les Halles, coupe la rue des Halles, traverse le pâté de maisons qui fait l’angle de la rue Pierre Motte et de celle-ci, traverse la rue Pierre Motte, passe derrière les maisons qui font face au boulevard Gambetta et arrive place de la Liberté à 50 mètres environ du boulevard. Il la traverse en biais, il longe la Banque de France.
Autrefois, il longeait un bois, le bois de Ribobus, qui allait des fossés du Château jusqu’au Saint-Sépulcre. Ce bois appartenait à la Chapelle du Saint-Sépulcre et à l’Hôpital Sainte-Elisabeth. En 1688, l’hôpital nomme un expert pour l’arpentage et la délimitation de la partie appartenant à chacun.
Quand on considère l’aspect du territoire de Roubaix à cette époque, on est frappé de l’importance de la partie boisée. Le bourg est entouré de bois qui devaient lui donner un aspect charmant : le bois du Trichon, le bois de Ribobus, le bois de l’Ommelet, le bois qui séparait le bourg du fief du Fontenoit, le Fresnoy, le Quesnoy.
L’Hommelet était un bois d’ormes, car l’Hommelet qui doit s’écrire sans h, en un seul mot, vient du latin olmus, orme, qui a donné olme puis lomme et lommelet, comme aulnoye, lieu planté d’aulnes a donné Lannoy.
Il y avait encore, en 1783, soit à la veille de la Révolution sur Roubaix, 70 ares 80 ca, soit environ 8 000 m² de bois, taillis, plus en arbres épars : 631 chênes, 25 414 ormes, 1 406 frênes, 2 132 bois blancs, 518 peupliers et 19 arbres divers, soit environ 30 000 arbres.
J’ai dit que le Riez traversait en biais la place de la Liberté. A cet endroit, après avoir franchi la rue de la grande brasserie, il limitait autrefois, à gauche le jardin du Saint-Sépulcre, et à droite, les près de la grande brasserie. En ce temps là, naturellement, la place de la Liberté n’existait pas. Quand on venait de Saint-Martin, on avait à droite, la rue de la Grande Brasserie, plus tard rue du Saint-Sépulcre qui était le prolongement de la rue Pauvrée. Cette rue était bordée à gauche par la chapelle du Saint-Sépulcre et par les bâtiments adjoints et, plus loin, par les jardins qui allaient jusqu’au Riez. La chapelle était située le long de la Grande Rue.
Quand le Saint-Sépulcre disparut, on créa à son emplacement la place du marché au charbon, et plus loin, vers le boulevard Gambetta, on bâtit une gendarmerie que ceux de mon âge ont connue. Le marché au charbon était ainsi appelé parce qu’au début du siècle dernier, le chemin de fer n’existait pas, les honorables commerçants de cette profession allaient aux mines d’Anzin. Les seules qui existaient alors, avec des tombereaux, ramenaient le charbon sur la place du marché, près de la chapelle du Saint-Sépulcre, mettaient le tombereau sur tréteaux, et attendaient le chaland. L’affaire conclue, on rattelait, et en route pour l’usine !
Le Riez recevait à sa gauche un affluent, le ruisseau amenant les eaux de la fosse-aux-chênes qui formait l’extrémité de la rue Pellart séparant ainsi Roubaix de son faubourg Saint-Antoine, passait derrière les maisons de la rue Pauvrée, traversait sous un pont la Grand’Rue qui prenait à cet endroit le nom de rue de Fourquencroix ou du Galon d’Eau, et longeait le domaine du Saint-Sépulcre du côté opposé à la rue de la Grande Brasserie. Le pont s’appelait Pont de Fourquencroix.
Le Seigneur de Roubaix percevait sur ce ponchel, comme sur le ponchel de la cauchie de la chaussé (rue Neuve), un droit de péage à charge d’entretien des dits ponts. Ce droit de péage, viage ou ponténage, consistait en deux liards par chariot étranger passant sur l’un des deux ponts.
Je ne sais à quelle époque ces ponts ont disparu, celui de Fourquencroix n’existait déjà plus en 1727, puisqu’à cette date, je cite : « on établit une nouvelle et plus grande buise pour la décharge des eaux venant de la fosse aux chênes à travers le parc de Fourquencroix ».
La Fosse aux chênes tire son nom d’un étang. Divers actes constatent aux cours du 17e siècle, des levées de corps noyés dans la fosse vulgairement appelée fosse-aux-chênes. Un hameau dit « près de l’Etang » existait à côté de ceux de la Basse-Masure, de l’Hommelet aux bois et de la Longue chemise. La rue des Sept-Ponts qui va de la place de la fosse-aux-Chênes à la rue de l’Hommelet, rue tortueuse comme toutes les anciennes chaussées, est un souvenir du petit cours d’eau qui amenait à la Fosse-aux-chênes les eaux du bois de l’Hommelet.
Reprenons le cours du riez. Après avoir reçu le ruisseau de la Fosse-aux-Chênes, il arrosait le domaine de Fourquencroix ainsi nommé parce qu’il se trouvait à l’endroit où la chaussée de Tourcoing à Lannoy par l’Hommelet traversait le chemin de Wattrelos, formant avec celui-ci une croix.
Il arrosait ensuite les fiefs de Beaurewart, de Beaurepaire, longeait la digue du Prêt. Actuellement, en quittant la place de la Liberté, il traverse les pâtés de maisons qui se trouvent entre la Grand’rue et le boulevard Gambetta, coupant ainsi dans leur milieu les rues Louis Catrice, Pierre de Roubaix, des 15 ballots et Nadaud, traverse l’emplacement du peignage Allard, passe sous l’ancienne usine Mulliez-Eloy, et atteint le canal ; il arrive au quai de Lorient où il traverse le canal dans un siphon à gauche de la porte de l’écluse.
Avant de traverser le canal il était encore à découvert il y a une quarantaine d’années, derrière une maison du quai de Lorient. Il donnait lieu à un métier qui se pratiquait aussi sur l’Espierre, près de la rue de l’Union à Wattrelos. Des gens ingénieux plantaient dans le cours d’eau des broches de fer en quinconce, la laine échappée des peignages avec les eaux de lavage s’accrochait à ces broches et la récolte donnait une honnête aisance à ces pêcheurs d’un genre particulier.
Un nommé Wallerand qui pratiquait ce métier quai de Lorient, faillit un jour d’orage, être entraîné sous le canal par une crue subite.
Après le canal, le riez circule à découvert, puis passe sous l’usine Carissimo, coupe la rue des Soies, passe sous le peignage Alfred Motte puis sous le chemin de fer, et finalement, après avoir encore circulé à découvert, va se jeter dans l’Espierre, à la limite du territoire derrière l’usine des alcools et levures de grains, anciennement Charles Droulers.
Les autres cours d’eau de Roubaix
Je ne veux pas terminer ce petit travail sans dire un mot des autres petits cours d’eau qui autrefois arrosaient le territoire de Roubaix et qui, maintenant, comme le Trichon, reçoivent beaucoup plus qu’ils ne donnent.
Le fief du Fontenoy avait son siège à l’endroit où fut bâti le château de M. Achille Wibaux. Ce sont les terres dépendant immédiatement de ce fief qui ont formé le parc autrefois considérable de ce château comme les terres du fief du Fresnoy ont constitué le parc immense (il avait bien une vingtaine d’hectares) du château de Mme Descat.
A la limite du fief du Fontenoy du côté de Tourcoing, coulait un ruisseau qui prenait sa source sur le versant nord de la butte de Mouvaux, derrière la propriété de M. Vanoutryve. La percée du canal de Tourcoing a diminué son domaine ; il ne reçoit plus que les eaux qui tombent dans l’angle formé par le canal de Roubaix et celui de Tourcoing. L’usine Mathon-Dubrulle est probablement son plus important fournisseur. Ce ruisseau traverse le boulevard, le chemin de fer, longe le canal et va se jeter dans l’Espierre près du boulevard des Couteaux. Il est encore à certains endroits découvert. Il y avait autrefois, à droite de l’ancien chemin de Roubaix à Tourcoing, sur le riez du Fontenoit, une chapelle : celle-ci, confiée aux soins de la confrérie de Saint-Joseph, prit le nom de chapelle de Saint-Joseph du Fontenoit.
Le nom de cette chapelle aujourd’hui disparue et qui a été remplacée par l’église Saint-Joseph, s’est insensiblement substituée à celui du Fontenoy et s’applique actuellement au quartier et au Riez.
Le Riez des Trois Ponts qui prend sa source sur le territoire d’Hem au bout de la rue Carpeaux, passait près de la « Petite Vigne », derrière la Potennerie ou plutôt Pontennerie, qui tient peut-être son nom d’un pont qui le traversait à cet endroit, alimentait les fossés de la ferme de Courcelles, traversait les hameaux du Pile et des Trois Ponts, et se jetait dans l’Espierre au Sartel.
Comme son territoire n’a été bâti qu’à une époque récente, où les idées de voirie, d’urbanisation étaient beaucoup plus développées que du temps de nos Pères, il a été dévié, rectifié, canalisé et n’est plus qu’un égout bien discipliné qui suit la rue Carpeaux, le boulevard de Reims, le boulevard de Mulhouse, fait un détour par les rues Victor Hugo, Alfred de Musset, des Trois Ponts et d’Anzin, puis traverse la gare de Roubaix-Wattrelos et se jette dans l’Espierre près du pont du Sartel après avoir passé sous le canal.
Il reste encore deux autres ruisseaux ; le courant de Maufait et le courant de Cohem qui, coulant parallèlement de chaque côté du boulevard Industriel en venant de la rue de Lannoy près de laquelle ils prennent leur source, se réunissent et se jettent dans l’Espierre à la limite de notre commune. Ces ruisseaux qui sont à découvert sur presque la totalité de leur cours, n’ont que peu de débit et pas du tout d’histoire.
On a dit que Roubaix devait son développement industriel à l’abondance de ses eaux, alors qu’il n’y passe aucune rivière et qu’au moment où l’industrie a commencé à prendre son essor, celle-ci n’avait comme ressource, qu’un faible ruisseau. Un teinturier s’était établi dans les dépendances du château pour en utiliser l’eau des fossés ; d’autres en étaient réduits à aller chercher l’eau dans des tonneaux autour des fermes. On a remédié à cette pénurie par l’adduction des eaux de la Lys moyen insuffisant et trop coûteux. Si Roubaix est peu fourni d’eau à sa surface, il a la chance de se trouver sur une cuvette du crétacé où viennent s’accumuler celles des environs, ce qui explique que chaque usine peut maintenant avoir son forage.
Le grand développement industriel de Roubaix n’aurait pas été possible si le progrès n’avait pas rendu aisé le percement des forages aux environs de cent mètres de profondeur ; sans eux, il n’y aurait pas eu les grands peignages et les grandes teintureries qui sont une des principales forces de Roubaix. Ce fait et celui de trouver sur son sol une excellente terre à brique (l’argile de Roubaix est particulièrement spécifiée dans la géologie de la région) sont peut-être des causes moins indirectes qu’on pourrait le croire, de sa prospérité.
J’ai fini. Il était difficile de vous intéresser avec l’histoire d’un seigneur d’aussi faible importance que notre Riez. Si j’ai réussi à ne pas être trop fastidieux, c’est en employant la fameuse recette de la soupe aux cailloux, c’est à dire en y ajoutant bien des choses. J’espère que vous excuserez mes digressions. Des détails, parfois futiles, m’ont paru avoir quelque intérêt pour notre histoire locale.
Félix Delattre
Administrateur de la Société d’Emulation de Roubaix
Séance de la Société d’Emulation de Roubaix du 13 avril 1944