Le parc de Barbieux est un des fleurons des parcs du nord de la France, un des grands exemples des jardins de la période florissante industrielle, promenade publique correspondant à une idée d’hygiénisme et accessible à tous. Suite à l’abandon d’un canal, celui de Roubaix, voici l’origine d’un des plus beaux parc urbain de France, aujourd’hui classé au titre national des sites en date du 26 janvier 1994.
L’histoire du canal fantôme…
En juillet 1813, Monsieur de Rézicourt, capitaine de Génie de Lille et Monsieur Roussel-Grimonprez, Maire de Roubaix, décident d’un projet de création d’un canal de la Deûle à l’Escaut.
1827 – Pose de la première pierre au confluent de la Marque. Première écluse construite au niveau de l’abbaye de Marquette sur la Deûle.
1831 – Le canal arrive à Croix jusqu’au pont d’Hem (maintenant rue Holden).
1835 – Concession Brame et ébauche, vers Roubaix, d’une berge relevée, avenue Le Nôtre par établissement d’un bassin de détournement prévu à Croix (Le Nôtre, péniches vides).
1843 à 1846 – Partie creusée à Roubaix vers la Belgique puis le boulevard du Général Leclerc (rue Jean Moulin) vers le Sartel et Leers.
1846 – Plantations de l’avenue Le Nôtre de plantations et en 1850, les quais Holden sont bâtis sur le canal de Croix. L’Escaut est atteint jusqu’aux Cascades de Roubaix.
Cette même année, il faut rappeler qu’un projet initial tendait à un embranchement vers Hem depuis Croix et vers Leers, selon la concession Brame de 1821.
1858 – Rachat du chantier par la ville de Roubaix de la rue Holden au kiosque du bassin Holden.
1859 – Essais du creusement du tunnel de Barbieux vers Roubaix sous l’actuel boulevard du Général de Gaulle. A 5 mètres sous terre, une couche de sable humide empêche les premières voûtes de se maintenir. Elles s’écroulent au bout de 60 mètres. On réussit toutefois péniblement à construire 138 mètres de galeries qui s’écroulent à leur tour.
Cette même année, M. Henri-Léon Lisot, fondateur de la « Fauvette » et poète inspiré, fréquentant le chantier abandonné envahi de végétation sauvage et goûtant la tranquillité du lieu, imagine de construire un grand parc où pourrait vivre ensemble les végétaux et les oiseaux.
Le 4 août 1860 est déposé un projet de promenade publique dans l’emplacement du canal abandonné.
Le 23 novembre de la même année, la commission pour la grande promenade sur les hauteurs de Barbieux se réunit et sollicite l’appui de la ville pour la réalisation du projet ainsi que pour la création d’une avenue bordée d’arbres jusqu’à la hauteur de Barbieux. Ce projet est complété en 1861 par le tracé d’un grand boulevard (actuellement le boulevard du Général de Gaulle).
1861 – Cession de l’Etat qui choisit de contourner la ville au nord en rejoignant la Marque par un nouveau tracé vers Wattrelos, Tourcoing, Wasquehal depuis le pont Nyckès inauguré en 1877 et ouvert dans sa totalité de la Deûle à l’Escaut.
Toujours en 1861, suite à l’abandon de la liaison entre la Marque et l’Escaut et les déboires du tunnel prévu, acquisition du bassin de retournement, nivellement de la première partie du parc depuis la Montagne de Croix, en haut du boulevard de Paris et projet d’acquisition de 134 hectares de terre sur Croix qui se réduiront à 18 hectares pour le parc et 16 autres avoisinants et de voirie consignées. Bien plus tard, en 1926, Croix vend ces terrains à Roubaix.
1863 – Charles Daudet, Maire de Roubaix, défend ce projet et le fait adopter.
1864 – Le 29 septembre 1864, un rapport de l’administration municipale notifie l’établissement d’un jardin public sur l’ancien lit du canal de Roubaix et le projet est déclaré d’utilité publique par décret présidentiel du 30 juin 1866.
Aménagement du parc de Barbieux, dit « le beau jardin »
Pour élaborer les plans du nouveaux parc, M. Barillet-Deschamps, qui vient de dessiner le jardin Vauban à Lille est sollicité mais, accaparé par l’Exposition universelle, décline l’offre. C’est son adjoint et successeur, Georges Aumont qui se rend à Roubaix et établit les plans datés de 1868. La ville accepte son projet immédiatement et contracte un emprunt pour financer les expropriations et l’aménagement du parc.
1866-1875 – Plans d’eau tracés de l’avenue Le Nôtre, vallonnements et circulations, plantations d’arbres remarquables et ensemencements jusque l’avenue du Peuple Belge (le tout à la pelle et à la brouette). On oublie l’arrosage, d’où l’installation depuis le Huchon (château d’eau) et on réensemence.
1875-1888 – On déborde au-delà de l’avenue du Peuple Belge et on trace l’avenue de Jussieu (sinueuse à souhait). Plantation de platanes.
On prévoit l’arrivée du Mongy (1909) avenue Le Nôtre, terminus Baudelaire actuellement.
1890-1908 – Les travaux sont repris par l’architecte paysagiste parisien Georges Aumont, qui poursuit les terrassements sur l’ancien canal en panne, jusqu’au Cabaret des 1000 colonnes qui est abattu en 1907. C’est l’espace rond au niveau de la Duquenière qui formait le Belvédère sur le plan d’eau tout neuf. Construction de La Laiterie face au kiosque, en 1908 liaison par passerelle (petit pont) depuis le Belvédère ouvert en rocaille qui se poursuivront en 5 niveaux sur le fond du parc, terminé en fer à cheval, d’où le lieu-dit.
1896 – M. Gustave Nadaud a son monument à Jussieu qui était primitivement à l’Esplanade. L’entrée avec une colonnade autour, le Commandant Bossut le rejoindra plus tard.
L’exposition de 1911 s’installe sur les deux parties du parc depuis La Duquenière avec une avenue des Palais tout contre Jussieu jusque Boucicaut (café du Parc). Dès 1921, les terrains laissés vacants sont lotis et bâtis d’immeubles bourgeois dont certains existent toujours. La réalisation finale du parc de Barbieux sera faite grâce aux subsides de M. Paul Destombes.
Nous verrons l’avenue Jean Jaurès en continuité de l’avenue des Palais, l’installation du Mongy en 1925 et la préparation de l’exposition du Progrès social du Nord et de l’Industrie de 1939, ses fêtes nocturnes, ses illuminations, son bloc de marbre, son vase de Sèvres et l’ensemble de ses monuments : Weerts, Destombes, Commandant Bossut, Spriet et Jeanne d’Arc qui termine le cortège.
En 1939, l’Exposition du Progrès Social s’installe àLille et à Roubaix avec ses 14 pavillons. Elle fermera précipitamment ses portes avec l’entrée en guerre de la France.
Après la Seconde Guerre mondiale et jusque 1952, des courses automobiles sont organisées autour du parc de Barbieux avec d’illustres coureurs et notamment le fameux Fangio. Le 5 mai 1950, une célèbre course automobile est organisée par l’Automobile Club du Nord de la France pour les fêtes du Cinquantenaire.
En 1961, le café La Laiterie est démoli.
La reconnaissance…
L’association des Amis du Parc de Barbieux est créée le 4 septembre 1991.
Et en janvier 1994, suite à la demande en 1989 auprès de Michel Barnier, Ministre de l’Environnement, de Jean-Pierre Delahotte, écologiste et environnementaliste, Président du Comité National pour la protection et la sauvegarde de la faune et la flore, le parc est classé. En 2002, le Grand Prix de l’Arbre est décerné à la Ville de Roubaix et en 2010, le Parce de Barbieux obtient le label de Jardin Remarquable.
D’après M. Ernest BLEUSE, historien croisien
Th. Leuridan « Histoire de la Fabrique » 1864