Category Archives: Pierres de Roubaix
Beaumont
Le Tilleul et Courcelles
La Pontenerie
Nous pouvons rêver au Roubaix champêtre, que l’ère industrielle a relégué dans les souvenirs qui composent son histoire, en contemplant la vue du château et de la cense de la Pontenerie, l’une des trois consacrées à Roubaix par un chanoine de la cathédrale d’Ypres sous l’épiscopat du célèbre Jansénius, Antoine Sanders. Il profita de ses nombreux voyages dans la Région pour réunir une collection inestimable de dessins et rédiger son ouvrage monumental sur la description de notre province, la « Flandria illustrata » dont les deux premiers tomes ont paru en 1641/1644. Le troisième, consacré à la Flandre wallonne et au Tournaisis, est resté manuscrit.
La famille éponyme est citée dès 1249, précédant 100 ans plus tard la famille de Werquigneul. Par succession, une branche légitimée de la Maison de Luxembourg garda le fief et ses 26 bonniers (36 ha) jusqu’à sa vente en 1532 à Guillaume Petipas, bourgeois de Lille et grand propriétaire foncier. Son fils, Hippolyte, fit construire une chapelle castrale et légua le domaine à son frère Charles, maïeur de Lille, anobli en 1600. Les trois petits fils de celui-ci, puis ses descendants, furent successivement seigneurs de la Pontenerie jusqu’à la vente en 1788 à Louis Charles de Lespaul de Lespierre. Ses héritiers s’en séparèrent en 1817.
La veuve des deux derniers censiers fut la belle mère de Henri Delattre-Libert, filateur, Maire de Roubaix, et de Joseph Pollet, filateur (ancêtre d’Henri, le fondateur de La Redoute).
Jean Lebas (1878-1944), ministre du travail et Maire de Roubaix, mort en déportation, naquit rue de Denain près du parc et des ruines du manoir sur lesquels ont été bâtis le lycée qui porte son nom et une piscine. L’urbanisation intense du 19e siècle a désenclavé le fief et ses terres en le transformant en quartier de la ville avec des usines et des habitations ouvrières.
Philippe A. RAMMAERT
Beaurepaire et Beaurewart
Le quartier qui s’étend sur les terres des importantes censes de Beaurepaire et de Beaurewart (24 et 33 bonniers, soit 34 et 46 ha) symbolise le combat pour la reconnaissance de Roubaix-Campagne par rapport à l’importance de plus en plus grande de Roubaix-Ville dans la première moitié du XIXe siècle, la lutte entre deux catégories de notables, les fabricants et les censiers.
Le fermier de Beaurepaire n’obtiendra pas l’érection en commune indépendante de la partie rurale qui s’amenuisa d’une manière régulière pour laisser la place à l’extension de l’habitat, destiné à loger la main d’œuvre, venue en masse de la Belgique, et de nombreuses usines s’implantant à proximité du canal, du chemin de fer et d’un quadrillage de voies de communications nouvelles.
L’absence de concertation et de législation appropriée ne permit pas d’imaginer un plan d’urbanisme qui aurait régulé la croissance anarchique qui transforma le bourg en importante ville industrielle en l’espace de 50 ans.
Beaurepaire, qui donna l’appellation du boulevard et du quartier, était le fief de la famille du même nom. Pierre de Surmont, marchand et bourgeois de Lille, originaire de Tourcoing, en devint propriétaire et le transmit à sa fille épouse en 1730 de Pierre de Corbie, conseiller au Parlement, anobli, petit-fils de Pierre de Bischop, bailli de Wattrelos, fondateur de l’hospice des Vieux Hommes, et de Marie Anne Le Zaire, fille du censier de Beaurewart,
Cette dernière cense faisait partie du domaine du seigneur de Roubaix et ses terres avaient été progressivement réunies au début du XVIIIe siècle aux censes voisines. En 1796, Floris Delaoutre-De Frenne, Maire de Roubaix, fit don à la commune d’un terrain, au lieudit « Champ de Beaurewart », qui devint le second cimetière vite abandonné.
La passerelle Dujardin
La gare et les voies du chemin de fer avaient séparé le quartier du Fresnoy du reste de la ville à laquelle il était relié par la rue de Mouvaux et la rue Saint-Vincent de Paul (aujourd’hui disparue). C’était un gros inconvénient que subissaient tous les jours les habitants du quartier et toute la population ouvrière que le métier appelaient au Fresnoy.
Il n’y avait qu’un seul remède à cette situation : établir une passerelle près de la gare, au-dessus des voies ferrées. Comme toujours, ce sont les choses les plus utiles qui mettent le plus de temps à se réaliser. Déjà en 1885, les habitants du Fresnoy avaient essayé d’obtenir une passerelle. Un syndicat s’était formé entre les propriétaires pour trouver une somme importante à offrir à la ville comme participation à cette dépense. Mais la Compagnie du Nord, se réservant le droit de la construction de la passerelle, présenta deux projets, l’un de 65.000 francs et l’autre de 80.000 francs. Les pourparlers entre la ville, les propriétaires et la Compagnie du Nord n’aboutirent pas. Le quartier, à cette époque, ne comptait que trois mille habitants.
Vingt ans après, la population ayant plus que doublé, la passerelle devenait de plus en plus une nécessité. Après bien des vœux restés sans résultat au Conseil général ou au Conseil municipal, la question était remise sur le tapis en 1904 par Jules Noyelle. Un nouveau syndicat de propriétaires s’était formé et avait réuni une vingtaine de mille francs, grâce aux efforts de M. Edmond Dujardin.
La passerelle était enfin terminée et inaugurée le 14 septembre 1908 et on lui donna le nom du principal promoteur de cette utile construction.
Edmond DUJARDIN
C’était une personnalité très connue et très sympathique à Roubaix. Il était Président d’honneur du cercle colombophile l’ « Union », et, en cette qualité, il fut nommé chevalier du Mérite Agricole en 1902.
Il était l’un des plus anciens et des plus actifs « coulonneux » de la région. Dès sa jeunesse, il s’était occupé de ce sport si utile et si intéressant au point de vue de la Défense nationale (à cette époque, tous les pigeonniers étaient soumis à une autorisation militaire et minutieusement référencés sur les cartes d’état major). Grâce à des expériences raisonnées et suivies, il était arrivé à le perfectionner et à posséder le pigeonnier le plus pratiquement installé et le plus beau qu’il soit possible d’imaginer. Il partageait son savoir-faire en faisant visiter ses installations à toute personne passionnée comme lui-même de colombophilie.
Edmond Dujardin est décédé accidentellement, le 26 août 1909, à l’âge de 60 ans. Il s’était rendu à Ostende avec un groupe d’amis. Au retour, en automobile, les excursionnistes étaient parvenus, vers six heures du soir, à l’entrée du petit village de Woesten, à 10 kilomètres d’Ypres, sur la grande chaussée dite « du Roi » qui va d’Ostende à Menin par Furnes et par Ypres, lorsqu’ils tamponnèrent un cabriolet. L’automobile fut renversée et deux des voyageurs, Edmond Dujardin et Paul Catteau, furent tués sur le coup.
La gare
C’est en 1842 que la première « station » fut ouverte à Roubaix. Mais la gare, telle qu’on la connaît aujourd’hui, ne fut ouverte que le 10 septembre 1888.
Le chemin de fer est né en Grande-Bretagne, où la première ligne destinée à relier deux grandes villes, Manchester et Liverpool, est inaugurée le 15 septembre 1830. En France, la ligne de Saint-Etienne à Lyon est mise en service le 3 février 1832. Puis les projets se portent autour de la capitale et la première ligne qui part de Paris est inaugurée le 26 août 1837 ; elle relie la gare Saint-Lazare au Pecq.
Chez nos voisins belges, en 1834 est établi un programme de construction de lignes de chemin de fer ayant pour centre Malines. Entre autre, une ligne se dirige vers la frontière française en passant par Bruxelles. Malines-Bruxelles, le premier élément de ce réseau est mis en service le 3 mai 1835. Il n’est donc pas étonnant qu’en 1837, le gouvernement français projette une liaison Paris-Bruxelles. Cette ligne relie Paris à Lille puis repart vers la frontière belge en passant par Roubaix et Tourcoing et se raccorde ensuite au réseau belge.
ON L’APPELLE « LA STATION »
S’agissant de l’emplacement de la « station » de Roubaix, la Compagnie des Chemins de Fer de Lille et de Valenciennes à la frontière belge fixe son choix sur « un terrain situé près du chemin de Roubaix à Mouvaux, au lieu-dit « l’Alouette ». La « station » s’étend entre la rue de Mouvaux et la rue du Fresnoy. Les voies passent en viaduc au-dessus de la rue de Mouvaux et traversent la rue du Fresnoy par un passage à niveau. En mars 1842, les travaux du viaduc s’achèvent et d’ailleurs l’entrepreneur se plaint que « des oisifs se rendent sur le viaduc et jettent des pierres et de la terre sur les voitures et les passants ». Quant à la gare, il faut attendre 1843 pour qu’elle soit achevée.
La station comprend trois éléments : d’abord les bâtiments qui s’élèvent du côté de la rue de Mouvaux et qui contiennent les bureaux et salles d’attente ; ensuite, un bâtiment central réservé à la douane et aux salles de visite et, enfin, du côté de la rue du Fresnoy, une station de marchandises. Deux cours de stationnement s’étendent devant ces trois édifices. On y entre latéralement par les rues de Mouvaux et du Fresnoy. Une remise à wagons s’élève derrière la station, de l’autre côté des voies.
Deux ans plus tard, pour faciliter la circulation, on projette l’établissement d’une rue latérale qui s’étend devant la gare. En 1850, la Compagnie des Chemins de fer du Nord annexe un magasin au bâtiment des presses. Cette même année, la municipalité émet le vœu qu’une marquise soit construite sur le quai d’embarquement afin de protéger les voyageurs, ce qui est refusé par la Compagnie.
UNE GARE DES VOYAGEURS INDIGNE !
En 1857, un budget de 300.000 F est voté par la Compagnie pour étendre les installations de la gare ; à la suite de ces travaux, la surface de la gare est presque doublée. Le magasin réservé aux emballeurs du commerce est reconstruit pour être agrandi, les magasins des marchandises sujettes aux droits d’entrée ont été remplacés par une vaste halle, les salles d’attente ont été déplacées et rétablies sur des bases plus larges et, sans doute, pour se conformer au vœu de la mairie, deux marquises sont élevées pour faciliter l’entrée et la sortie des voyageurs.
Le bâtiment des voyageurs est maintenant bâti en face de la rue du Fresnoy qui est déviée et doit contourner la gare. Cinq ans plus tard, en 1862, il est de nouveau question d’agrandissement. La Compagnie désire construire plusieurs halles à marchandises. Cependant, rien n’est prévu pour le bâtiment des voyageurs, ce qui n’est pas du goût de la municipalité qui trouve la gare des voyageurs « insuffisante et indigne d’une ville de l’importance de Roubaix ». Dans le même projet, il est question de supprimer le passage à niveau du Fresnoy et de le remplacer par un passage supérieur reporté 300 mètres plus loin.
En 1885, on construit le pont Saint-Vincent-de-Paul et on prolonge, par la même occasion, les rues de l’Alma et de l’Ouest jusqu’à ce pont. La municipalité s’inquiète de la hauteur insuffisante des garde-corps qui « permettent aux mauvais sujets d’inquiéter les trains et qui préservent insuffisamment les chevaux effrayés par une chute ».
UNE LARGE AVENUE : L’AVENUE DE LA GARE
En 1871, un nouveau crédit de 310.000 F est voté pour la construction de nouveaux hangars. Cependant, la municipalité se préoccupe des difficultés de circulation entre la gare et le centre de la ville. En effet, pour se rendre à la gare, il faut soit passer par la rue Nain puis la rue du Chemin de Fer qui lui fait suite (ancienne rue du Fresnoy) soit emprunter la rue Saint-Georges (actuellement rue du Général Sarrail) puis la rue de l’Hospice et la rue de l’Espérance.
L’idée d’une large avenue reliant la gare au centre ville commence à s’imposer et la mairie désirerait coupler le percement de cette avenue à celle de la reconstruction d’une gare digne de la ville de Roubaix. La rue de la Gare est ouverte en 1883 mais ne débouche que sur le bâtiment de la douane. Pourtant, entre-temps, un accord avait été conclu entre la Compagnie et la mairie qui acceptait de verser une subvention de 340.000 F pour la construction d’une nouvelle gare. Un projet avait même été soumis à la municipalité, mais il avait été rejeté car « mesquin et sans caractère architectural » et les pourparlers avaient été rompus. La situation en reste là jusqu’à l’élection, en 1884, d’un nouveau maire, Monsieur Julien Lagache, qui décide de se rendre à Paris en compagnie de son adjoint délégué aux travaux. Monsieur Pennel-Wattinne pour discuter avec la Compagnie du Nord. Il revient avec un nouveau projet : il s’agit des plans de la gare que nous connaissons et dont la dépense est évaluée à 627.200 F.
QUATRE HEURES D’ATTENTE POUR LE PREMIER BILLET
Les travaux démarrent très vite : en 1886, il est procédé à la démolition du bâtiment de la douane et, en mars 1887, les fondations de la nouvelle gare sont creusées et on espère « que le gros œuvre sera terminé pour septembre 1887 ». Enfin, le 29 août 1888, le chef de gare, M. André, écrit au maire de Roubaix : « Notre nouvelle gare sera ouverte au service des voyageurs et des bagages le samedi 1er septembre ».
L’ouverture s’effectuera à 5 heures du matin, un Roubaisien attendra depuis quatre heures pour avoir le premier billet. Quelques semaines plus tard, la presse se fait l’écho de plaintes des voyageurs qui regrettent, entre autres, « qu’il n’y ait pas d’horloge intérieure ».
En décembre 1888, la Compagnie ouvre un crédit de 60.000 F pour la construction d’un hall au-dessus des voies. Enfin, vingt ans plus tard, le 14 septembre 1908 est inaugurée la passerelle qui enjambe les installations de la gare et qui relie la rue du Chemin de Fer et la rue du Fresnoy. En 1914, c’est à la gare qu’a lieu l’embarquement des troupes. La gare sera touchée par le conflit, car l’occupant allemand, avant son départ, fera sauter la halle qui surplombe les voies, la passerelle et le pont Saint-Vincent. La halle ne sera pas reconstruite.
La gare traverse le siècle jusqu’en 1977, année pendant laquelle la S.N.C.F. fait état de la dégradation du bâtiment : « les pierres sont très altérées et l’ossature de métal est particulièrement oxydée ». La S.N.C.F. désirerait démolir et reconstruire une gare plus petite. La municipalité s’y oppose car elle craint entre autres qu’on « reconstruise une gare semblable à toutes les gares de banlieue ».
Le 20 octobre 1984, a lieu l’inauguration de la gare restaurée, la gare grise et sombre est devenue claire et colorée. En 1993, les halles à marchandises situées en face de la rue du Chemin de Fer sont démolies pour laisser la place à un parking gardé. Au mois d’août de cette année, ce sont les bâtiments situés le long de la rue de l’Ouest qui sont abattus et remplacés par un verdissement en attendant la construction de l’école AFOBAT.
L’ARCHITECTURE « METALLIQUE FLAMBOYANT »
L’architecture de la gare de Roubaix est de Sydney DUNNET. Né à Calais en 1837, il fera toute sa carrière à la compagnie du Nord et terminera comme chef de service des bâtiments. La gare présente un corps central avec un comble métallique surmonté, en acrotère, d’une tour à horloge. Le pignon de verre est soutenu par quatre piles appareillées, les deux piles de façades portèrent, à l’origine, chacune un pot à feu, qui disparurent dans les années soixante.
De chaque côté s’élèvent deux pavillons en maçonnerie de style régional qui utilisent la pierre et la brique comme matériau. Ces pavillons se prolongent par des ailes basses à simple rez-de-chaussée où la brique prédomine. L’architecture de la gare est de style rationaliste, c’est-à-dire que la fonction du bâtiment est reflétée par sa forme. La vaste halle métallique accueille les voyageurs, les deux pavillons servent au logement du directeur et du sous-directeur de la gare. La halle métallique est à remarquer.
La gare appartient à ce que l’on a appelé le courant « métallique flamboyant », le métal devient apparent, c’est l’époque où la France se couvre de marchés couverts métalliques.
L’architecture de la gare de Roubaix s’apparente à celle d’autres gares de la région du Nord : celle d’Arras (1877, détruite), celle d’Amiens Saint-Roch (1875, détruite), celle de Saint-Omer (1902) et celle de Tourcoing (1905) inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1984.
Xavier Lepoutre
Vice-Président de la Société d’Emulation de Roubaix
L’eau à Roubaix
Les moulins à vent
Vice-Président de la Société d’Emulation de Roubaix
Membre de la Commission Historique du Nord
Les réservoirs d’eau
Quand l’activité textile roubaisienne est passée, au début du XIXe siècle, du stade artisanal au stade industriel, le problème des besoins en eau s’est très vite posé. En effet, sur le territoire de Roubaix ne coulaient que quelques ruisseaux dont, en particulier, le Trichon qui naissait à Mouvaux et aller se jeter dans l’Espierre à la limite de Wattrelos. Résumé de façon très grossière, son tracé suivait, sur Roubaix, la rue du Grand Chemin puis le boulevard Gambetta.
L’EAU A ROUBAIX
Au moment où les premières machines à vapeur arrivèrent à Roubaix, vers 1820, un certain nombre de filateurs s’installèrent le long du Trichon mais cela entraîna son assèchement et sa transformation en ce que l’on appellerait aujourd’hui : « un égout à ciel ouvert ».
L’industriel d’origine amiénoise, Auguste Mimerel, confronté au manque d’eau, fut l’un des premiers à avoir l’idée de réaliser un forage. Son expérience fut fructueuse et il fut imité par un certain nombre de manufacturiers.
Alors que certains allaient chercher l’eau en profondeur, d’autres l’amenèrent en surface en créant un canal qui devait relier la Deûle à l’Escaut. Un premier tronçon fut ouvert, en 1832, entre la Deûle et Croix ; un second, en 1843, entre la frontière belge et Roubaix. Ces deux tronçons devaient se rejoindre par un tunnel creusé « sous la montagne de Croix » ( le boulevard du Général de Gaulle actuel ) mais la friabilité du terrain et les éboulements qui s’en suivirent firent renoncer à ce projet. Le canal s’arrêta, sur Roubaix, au niveau de l’emplacement actuel du Monument aux Morts.
En 1861, un décret impérial décida de faire passer le canal sur des terrains plus propices au Nord de Roubaix. Ce tracé qui assurait la jonction fut ouvert en 1877. Le bras mort, entre le pont Nyckes et le bas du boulevard du Général de Gaulle fut comblé progressivement à partir de 1880 et transformé en nos boulevards Gambetta et Leclerc actuels. Mais, auparavant, un certain nombre d’usines s’étaient installées le long du canal : le Peignage Allart, la filature Motte-Bossut, l’usine Motte – Porisse … Cependant l’eau du canal devait servir au transport des pondéreux et non à alimenter les chaudières à vapeur. En temps de pénurie, l’eau était apportée par charroi.
En 1857, le Maire de Roubaix s’orienta dans une autre direction : aller chercher de l’eau dans un fleuve à grand débit. On choisit la Lys. Le Maire de Roubaix associa à son projet celui de Tourcoing. L’eau de la Lys arriva à Roubaix et Tourcoing le 15 août 1863, jour de la fête de l’Empereur. L’inauguration eut lieu « en grande pompe ». Cette eau était impropre à la consommation ménagère mais satisfaisait aux besoins de l’industrie. Quelques jours plus tard, fut inauguré à Tourcoing, le service des Eaux de Roubaix-Tourcoing sous la direction de l’ingénieur qui avait suivi les travaux jusque là : M. Varennes. Cette Société eut pour tâche de construire les réservoirs destinés à stocker cette eau qui devait servir à l’industrie.
LES RESERVOIRS D’EAU SUR ROUBAIX
• Le réservoir du Fontenoy
Le premier réservoir d’eau industrielle de Roubaix fut construit, en 1863, par M. Varennes dans le quartier du Fontenoy entre les rues de la Lys et de Cassel. Ce réservoir est contemporain de ceux des Francs, à Tourcoing, et leur ressemble quelque peu. Il est de type « tour cylindrique maçonnée » avec une cuve en fonte à fond concave de 1600 m3. Les arcs du soubassement sont en plein-cintre et un travail de brique surmonte la maçonnerie.
Un deuxième réservoir fut construit en 1878, à peu près du même type mais plus bas, il fut démoli plus tard en raison d’une mauvaise étanchéité des joints des plaques de la cuve.
• Les réservoirs de Huchon
Situés sur le point le plus haut de Roubaix, à proximité du Lycée Baudelaire actuel et de l’hospice de Barbieux, les quatre réservoirs à eau du Huchon sont alignés, semblables deux à deux, le long du boulevard Lacordaire. La cohérence actuelle masque une histoire mouvementée où se succédèrent constructions, démolitions et même effondrement. Auguste Binet, ingénieur directeur du Service des Eaux de Roubaix-Tourcoing, fit construire dans un premier temps, en 1887, le réservoir Est ( le second à partir de la gauche). Il réalisa ensuite, de part et d’autre, deux châteaux d’eau à l’allure très proche de nos châteaux d’eau modernes en « champignon » mais avec une cuve métallique. Le soubassement était sans aucune ornementation. En 1893, lors de la mise en eau, l’un des deux réservoirs s’effondra inondant le chantier de l’hospice de Barbieux à la grande surprise des entrepreneurs qui s’attendaient peu à une inondation sur le point culminant de Roubaix.
En 1895, M. Binet remplaça le réservoir effondré par un château d’eau identique au premier qu’il avait édifié en 1886 et qui n’avait, jusque là, posé aucun souci tandis que le second nouveau réservoir ne servira que partiellement rempli. Le réservoir reconstruit ne sera achevé qu’en 1902 soit deux ans après la mort de M. Binet.
Les réservoirs de 1886 et de 1895 sont d’une architecture très soignée : des pilastres colossaux scandent des travées percées de baies sur deux étages. La baie du rez-de-chaussée possède un linteau métallique orné de rosaces, les baies du premier étage sont en plein cintre. Une bande lombarde court en corniche. Le matériau employé en majorité est la brique, matériau régional, mais on lui a adjoint la pierre de Soignies et des briques vernissées ce qui donne aux bâtiments un joli aspect polychrome.
En 1930, M. Nourtier, ingénieur-directeur, fit démolir le réservoir déficient restant, construit par son prédécesseur, et édifia deux nouveaux réservoirs placés aux extrémités. Ces deux réservoirs furent construits en béton armé. Les cuves de 1700 m3, couvertes, reposent sur des poteaux et des poutres en béton. Toute cette structure est cachée derrière des façades non porteuses scandées également de pilastres colossaux. Les très hautes baies sont coupées au niveau du passage du rez-de-chaussée au premier étage par un bandeau décoré du blason des Villes de Roubaix et Tourcoing.
En 1968, la Communauté urbaine de Lille a repris le service des Eaux de Roubaix-Tourcoing et depuis 1986, la Société des Eaux du Nord est concessionnaire de la distribution des eaux. Cette Société qui a en charge le patrimoine, a réalisé entre 1990 et 1993 une rénovation très soignée des réservoirs du Huchon. Enfin, en août 1998, en raison de leur grand intérêt architectural, les quatre réservoirs ont été inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
De nos jours, l’eau ne vient plus de la Lys mais de la nappe phréatique et l’industrie est beaucoup moins « gourmande » en eau qu’autrefois : la consommation est passée de 26 000 m3 en 1926 à 5000 m3 en 2002.
Bibliographie
Jacques Prouvost : L’industrie textile de Roubaix face au manque d’eau, Société d’Emulation de Roubaix, septième série, Tome I, Tome XXXVIII de la collection
Béatrice Auxent : Les réservoirs d’eau de la métropole lilloise 1860 – 1930 Nord
Itinéraires du Patrimoine n° 102
Théodore Leuridan : Les rues de Roubaix, Mémoires de la Société d’Emulation de Roubaix – Cinquième série, tome II ( tome XXX de la collection )