RAPPORT ADMINISTRATIF MUNICIPAL DE 1938
Ecoles Anatole France et Jean Jaurès
HISTORIQUE
Au sortir de l’effroyable tourmente qui, de 1914 à 1918 s’est abattue sur nos malheureuses régions, la forte et laborieuse race du Nord paraissait menacée dans ses forces vives. La population enfantine surtout, débilitée par les privations de toutes sortes, inspirait les plus vives inquiétudes à tous ceux, philanthropes, médecins, administrateurs qui, à un titre quelconque, avaient le souci de l’avenir de la Cité.
« Dans une école de Lille, écrivait alors le professeur Debeyre, lors d’une visite d’hygiène, après la guerre, les médecins qualifiés n’auraient trouvé, sur 240 enfants examinés qu’un seul sujet sain ». Et, dans un opuscule consacré à l’ « Œuvre Antituberculeuse Scolaire à Roubaix », le docteur Dupré note, de son côté, que « dès la libération », « les enquêtes médicales relevaient dans notre population scolaire plus de 80 % de tuberculose au début ». Ces constatations effrayantes ne pouvaient pas ne pas retenir l’attention des autorités compétentes, et tous les hommes de bonne volonté réagirent vigoureusement. Les Comités de ravitaillement, des groupements de bienfaisance français et étrangers mirent bien à la disposition des Administrations communales et hospitalières, les moyens propres à procurer momentanément aux populations anémiées une alimentation plus substantielle que par le passé ; mais ce n’était là qu’un palliatif. Pour lutter avec succès contre cette déficience physiologique constatée de toute part, il fallait engager une action méthodique et continuée.
C’est ce que comprit le docteur Dupré, Adjoint au Maire de la Ville de Roubaix, délégué à l’Instruction publique et à l’hygiène. Pénétré de cette idée, il accentua plus fortement que jamais cette admirable campagne qu’il n’a cessé de mener contre tous les fléaux sociaux et particulièrement contre la tuberculose. Il savait que, privés des soins que leurs parents, retenus à l’usine, ne pouvaient leur donner, logés dans ces habitations exiguës et mal aérées de nos « courées » populeuses, ces enfants «étaient irrémédiablement appelés à grossir le contingent, hélas déjà beaucoup trop nombreux de nos déchets sociaux ».
Et, sans se soucier de la précarité des ressources dont il disposait, certain, d’ailleurs, d’être suivi par ses collègues de la Municipalité, il se mit résolument à l’œuvre. Car à tous ces déshérités de la vie, il voulait non seulement assurer la subsistance quotidienne, mais encore les réconfortants bienfaits du soleil et du grand air.
Dans la banlieue immédiate de sa grande agglomération ouvrière et à l’extrême limite de son territoire communal, la Ville de Roubaix avait à sa disposition de vastes terrains, éloignés des usines, balayés par les vents et baignés de soleil et d’air pur. Le Docteur Dupré décida d’y amener les petits Roubaisiens et mit à leur disposition une surface gazonnée d’une dizaine d’hectares environ. Tous les jeudis après-midi, d’abord ; puis pendant la durée des grandes vacances, tous les enfants des écoles furent invités à venir s’y ébattre sous la surveillance paternelle de quelques uns de leurs maîtres et maîtresses. En août et septembre 1920, on y dénombra jusqu’à 3.400 garçons et filles qui y passaient toute la journée, gratuitement nourris, amusés et surveillés.
Mais une expérience de deux années permit de constater que, si le séjour au grand air avait donné de très satisfaisants résultats chez la plupart des petits colons, il n’en restait pas moins avéré que pour un certain nombre d’entre eux, la durée de cette cure avait été insuffisante. « Nos colonies de vacances convenaient aux écoliers fatigués, surmenés légèrement ou convalescents, mais elles restaient sans effet caractérisé sur les chétifs anémiques, les tuberculeux latents, les lymphatiques porteurs d’adénopathie trachéobronchite ». A cela, un seul remède : prolonger la Colonie de vacances par une Ecole permanente de plein-air.
Les autorités académiques, pressenties, ayant donné leur agrément, le docteur Dupré fit appel à la bonne volonté des instituteurs et institutrices de la Ville qui, au nombre d’une dizaine, vinrent se ranger à ses côtés. En quelques jours, toutes dispositions étaient prises : deux tentes, destinées à abriter les écoliers en cas de pluie, s’élevaient dans l’herbe haute ; quelques fourneaux hâtivement maçonnés et entourés de vieilles planches, pour la préparation des repas ; du matériel usagé, glané çà et là dans les greniers des établissements scolaires de la ville ; des tables sur tréteaux pour servir les repas… et voilà toute l’installation. L’école de plein-air était fondée ! Cela se passait en juin 1921.
A la rentrée d’octobre 1921, 200 garçonnets et autant de fillettes se trouvaient réunis sur les terrains de jeux du Pont-Rouge. Les tentes dressées en juin ayant été emportées une nuit par la bourrasque, on les avait remplacées pendant les vacances, par des baraques de bois, provenant des liquidations de l’Intendance Militaire. Certes, l’installation n’était pas somptueuse, mais au moins, c’était un abri : deux baraquements pour les classes de garçons et de filles ; deux autres pour servir de réfectoire et de cuisine, et un cinquième aménagé en cinéma et, au besoin, en salle d’éducation physique pour les jours de pluie. Les vents soufflaient bien un peu par les portes disjointes : la neige s’infiltrait bien par les fissures béantes ; la pluie perçait parfois le carton bitumé des toitures… Cela n’eut aucune importance et tout le monde s’attela à la besogne, joyeusement, allègrement.
Le grand air pénétrant par toutes les baies constamment ouvertes du côté sud, gonflait les poumons, développait les thorax, hâlait les joues, régénérait les forces anémiées. Et le Docteur qui visitait chaque jour nos petits écoliers, n’eut à soigner au cours de ce premier hiver ni rhumes, ni toux opiniâtres ni bronchites, ni aucune de ces maladies saisonnières qui, durant les froids, dépeuplent si fréquemment nos écoles urbaines.
Six années durant, l’expérience se poursuivit et les résultats obtenus furent admirables. Tout ce petit monde eut tôt fait de s’adapter au nouveau genre de vie auquel il était progressivement entraîné. Car le régime instauré dans nos Ecoles de plein-air, diffère nécessairement de celui qui est appliqué dans nos écoles urbaines. Nous n’avons plus ici les grandes bâtisses à étages, forcément restreintes et encagées, avec leurs cours renfermées. Ici, c’est l’espace, c’est l’air libre. On travaille, on joue, on mange, on se repose au grand air. Et, naturellement, il s’y est établi une discipline différente de celle qu’on est obligé d’imposer sur un terrain étriqué où vivent des centaines d’enfants.
On n’ « impose » pas au Pont-Rouge ; on « entraîne », et le travail et le jeu librement consentis n’en ont que plus d’attraits et, partant, n’en sont que plus fructueux.
C’est durant toute cette période de rude et joyeux labeur que s’élevaient peu à peu, sur un terrain contigu, les bâtiments confortables qui abritent les deux écoles laïques depuis le 1er octobre 1927.
Les nouvelles écoles de plein-air, aux constructions d’un style bien moderne et d’une conception toute à fait neuve, occupent avec leurs cours, préaux, jardins terrains de jeux, etc.… une surface d’environ 4 hectares. Elles sont comprises dans une vaste propriété de 25 hectares, dont le reste est réservé au Centre sportif municipal et aux terrains de jeux des colonies scolaires de vacances.
La façade aux lignes sobres et symétriques, agrémentée d’un double porche vernissé de grès flammés, se dresse en bordure d’une large avenue qui la sépare du pars des sports. Derrière, des galeries couvertes aboutissent à de vastes préaux qui mènent jusqu’aux salles de classe, garçons à droite et filles à gauche. Les deux groupes sont séparés par des bains-douches, à l’arrière desquels se trouvent les cuisines et réfectoires.
Les salles de classe (six par école) sont grandes, parfaitement éclairées et pourvues d’un système moderne d’aération et de ventilation. En un tour de main, les immenses baies vitrées qui occupent toute la façade sud, mues par un mécanisme spécial, s’ouvrent sans fatigue et font pénétrer à flot l’air du dehors. En outre, des bouches d’aération, placées derrière les radiateurs du chauffage central, entretiennent une ventilation constante et automatique : l’air vicié entraîné par les carreaux perforés des galeries-vestibules est rejeté au-dehors par un ventilateur électrique.
A chaque salle de classe est aménagé un lavabo-vestiaire, pourvu de robinets distribuant à volonté l’eau froide ou chaude ; une petite armoire métallique par élève, avec support mobile pour la serviette éponge et casier spécial pour la brosse à dents, la pâte dentifrice et le gobelet émaillé, vient compléter l’ameublement de cette pièce. Enfin, un gros tuyau de chauffage, passant au-dessous de ces armoires-vestiaires permet le séchage rapide des serviettes et effets qui y sont disposés ; ici encore, un large système d’aération entraîne au-dehors, toutes les vapeurs malsaines ou désagréables qui pourraient s’y former.
Nous ajouterons que les murs recouverts de peinture claire, les parquets en terraplane rouge ciré, les armoires et bureaux en chêne naturel verni, les tables-pupitres individuelles légères et élégantes, quelques plantes vertes sur les armoires, tout confort à flatter l’œil et cultiver le goût.
Un mot encore : l’entretien de nos locaux, classes, vestibules, etc.…, se fait au moyen d’aspirateurs de poussières et de cireuses qui fonctionnent à l’aide du courant électrique. Donc, ni poussières, ni germes dangereux susceptibles de propager des maladies infectieuses quelconques.
Les bains-douches installés dans une grande salle comportent quatre-vingt-dix cabines de déshabillage, trente cabines à douches et trois salles de bains à l’usage des enfants qui demandent des soins spéciaux. Les parquets et parois des cabines, recouverts de granito multicolore, se prêtent parfaitement au nettoyage à grande eau, grâce à des tuyaux et lance d’arrosages prévus à cet effet. Les cuisines et réfectoires sont parquetés en granito et également pourvus à profusion de lumière et de grand air. Les W.C. sont au nombre de dix-huit par école.
Dans les bâtiments d’administration occupant toute la façade, ont été aménagés dans salles d’attentes, le cabinet de consultation du Docteur, une infirmerie avec matériel « ad hoc » et une salle pour la projection des rayons ultra-violets.
Deux terrains de jeux clôturés, d’un hectare chacun, sont à la disposition des garçons et des filles qui, durant la belle saison, y prennent toutes leurs récréations. La cure de soleil et la radiothérapie (rayons ultra-violets) sont assurées, la première soit sur une large terrasse surplombant les bâtiments soit sur les pelouses des terrains de jeux ; la seconde, dans la salle spéciale signée plus haut.
Toutes ces installations sont entourées de cours de récréation plantées d’arbres, de pelouses et de jardins fleuris et ombragés, donnant à cet ensemble une si parfaite harmonie de tons et de couleurs que l’on s’y sent heureux de vivre.
RECRUTEMENT
Le recrutement est assuré par l’Inspection médicale des écoles. Deux fois par an, en octobre et en mars, les médecins-inspecteurs recherchent dans les écoles de la ville les enfants souffreteux, les débiles, les malingres, les ganglionnaires et tous ceux dont la croissance a été arrêtée par le rachitisme ou que des tares héréditaires prédisposent à la contagion bacillaire. Ces sujets menacés, mais non contaminés, viennent remplacer, en ces deux périodes de l’année, ceux que le soleil et le grand air ont rétabli et qui sont renvoyés dans leurs écoles respectives.
Au cours de l’année scolaire, il nous arrive encore de recevoir de nouveaux élèves. Mais c’est là un recrutement exceptionnel ; il s’applique aux sujets dont l’état de santé, au moment de l’examen médical n’avait pas retenu l’attention du praticien ou à ceux qui, ayant été dépistés par les infirmières visiteuses de notre Dispensaire d’hygiène, nous sont envoyés par le docteur, directeur du bureau.
ORGANISATION PEDAGOGIQUE
• Classement des élèves
Dès leur arrivée à l’Ecole de plein-air et après examen pédagogique sommaire les enfants sont répartis dans les différentes classes où les maîtres les examinent à loisir pendant quelques jours. C’est alors seulement qu’ils sont affectés définitivement aux cours qui leur conviennent. Et il se produit nécessairement ce fait, que des enfants de 9 ans se trouvent placés au cours moyen, alors que d’autres de 10 et même 12 ans suivent les exercices du cours préparatoire. Ceci s’explique aisément : les écoles de plein-air ne sont un refuge ni pour anormaux, ni pour déséquilibrés intellectuels ; mais il arrive très souvent que, du fait de leur état de santé, les enfants qu’elles reçoivent ont fréquenté l’école irrégulièrement. Il en est résulté pour eux un sérieux retard dans le développement de leurs études ; c’est pourquoi on s’efforce toujours de constituer des classes aussi homogènes que possible, en plaçant dans un même cours, tous les enfants dont le développement intellectuel est à peu près de même niveau, quel que soit leur âge.
• Programme et emploi du temps
Les programmes ont été déterminés d’après les données générales enseignées dans nos écoles primaires. Sans doute, on en a élagué tout ce qui n’est pas absolument indispensable, mais on a tenu, néanmoins, à rester en contact avec l’école d’origine. Comme le séjour en plein air n’est que momentané, et que les enfants arrivent à n’importe quel âge de leur scolarité, il faut qu’au moment de leur rentrée dans leurs classes respectives, ils puissent suivre les mêmes exercices intellectuels que leurs camarades. L’emploi du temps journalier a été conçu de façon à concilier les intérêts de l’éducation morale et intellectuelle avec les nécessités de l’éducation physique.
• Méthodes et procédés
Tout enfant admis au Pont-Rouge est pesé, mesuré. Son poids, sa taille, son périmètre thoracique, son élasticité respiratoire, sont notés avec soin sur la fiche médicale qui lui est attribuée. Cette fiche constamment tenue à jour comprend avec l’état signalétique de l’enfant :
1° Le diagnostic du docteur et, s’il y a lieu, le traitement à appliquer (rayons ultra-violets, gymnastique médicale, soins spéciaux, etc.…) ; l’emplacement nécessaire pour y consigner les résultats obtenus après traitement.
2° Silhouettes qui, le cas échéant, permettront d’indiquer avec précision les déviations ou déformations du corps.
3° Un tableau des mensurations trimestrielles à effectuer, et diverses observations relatives à l’état des yeux, du nez, de la gorge, etc.…
4° Un tableau destiné à faciliter le pointage des séances de gymnastique médicale et de projection des rayons ultra-violets.
Quant aux exercices physiques, ils figurent à la place d’honneur dans notre horaire journalier et sont réalisés, d’abord sous forme de leçon proprement dite, puis de jeux libres ou jeux dirigés avec appareils divers : ballons, quilles cerceaux, etc.… Nous aurons donné une idée de l’importance que nous leur attribuons quand on saura qu’il leur est consacré 1 heure le matin et 1 heure 30 l’après-midi. Dirigés par un professeur spécial, ils sont parfaitement appropriés à l’âge et au tempérament de nos enfants. Pas de positions rigides, pas de muscles raidis, pas d’automatisme, pas de contrainte. On joue, on court, on saute avec mesure. On s’assouplit.
• Résultats acquis
Depuis la création de nos écoles de plein-air, c’est à dire depuis juin 1921, un peu plus de quatre mille enfants (garçons et filles) sont passé par le Pont-Rouge. Les uns y sont restés 3 mois, d’autres 6 mois et quelques-uns y ont fait un stage d’une année et même plus. Rentrés dans leurs écoles respectives, dispos et aptes au travail intellectuel ils ont pu suivre facilement les exercices et leçons du contingent qu’ils avaient quitté pour aller au plein-air. Nombreux sont ceux d’entre eux qui ont alors suivi les cours du certificat d’études primaires, et ont été admis à l’examen. Cela prouve suffisamment que ces enfants n’ont pas été retardés par leur séjour ici, malgré la réduction des heures consacrées aux exercices purement scolaires.
Quelques enfants ayant terminé leur scolarité au plein-air sont entrés en apprentissage suffisamment fortifiés pour résister aux fatigues toujours un peu déprimantes de l’atelier ; Et fait caractéristique, il ne se passe pas de semaine sans que l’un ou l’autre d’entre eux ne profitent de la semaine anglaise appliquée dans de nombreux ateliers, pour venir passer le samedi après-midi avec leurs anciens maîtres, s’asseoir à côté de leurs jeunes camarades et se livrer ensuite à de joyeux ébats sur notre terrain de jeux. Les résultats physiques sont excellents :
1° L’état général est en amélioration très sensible chez tous nos écoliers sans exception ;
2° Les enfants anémiés retrouvent rapidement leur vitalité perdue ; ils reprennent goût au mouvement et leur croissance en est activée ;
3° Les pré tuberculeux, les ganglionnaires, ceux dont les bronches sont faibles augmentent en peu de temps leur capacité thoracique (en un mois, l’indice respiratoire d’un enfant de cette catégorie est passé de 3,5 à 7,5) et leur poids s’améliore ;
4° Chez les petits, la tendance à l’obésité due au mauvais régime alimentaire disparaît dans une proportion de 50 % environ ;
5° Enfin, l’application des rayons ultra-violets a donné des résultats très satisfaisants dans le traitement du rachitisme et des maladies cutanées.
Il apparaît d’une façon bien nette que tous nos élèves, du plus petit au plus grand, ont gagné progressivement en poids, taille, périmètre thoracique etc. ; les rachitiques même, ceux-là surtout, ont profité de leur séjour ici, car nous n’avons plus dans nos classes, aucun enfant véritablement frappé de croissance.
En résumé, les enfants qui ont fréquenté les écoles de plein-air, en ont retiré de multiples bénéfices : leur poids s’est accru, leur taille s’est parfois redressée, leur développement physique s’est accéléré ; ils sont plus résistants aux variations de température, ils ont acquis de bonnes habitudes d’hygiène et leurs études ont été, par la suite, au moins aussi solides et aussi rapides que celles de leurs camarades restés à l’école urbaine.
COLONIE SCOLAIRE DE VACANCES
• Situation
Aux confins de Roubaix, au Pont-Rouge, à 3 kilomètres du centre, au point le plus aéré de la ville nous disposons d’un vaste terrain de plus de 130.000 mètres carrés, éloigné de toute habitation balayé par les vents, l’on y respire librement un air vif débarrassé de toutes les poussières urbaines. Cette enceinte assainie par le berceau de verdures de la campagne environnante, agrémentée de vertes pelouses réalise toutes les conditions les plus favorables à la santé, à la joie et à la vie.
• Organisation
Des jeux de toutes sortes avec pistes d’entraînement, terrains de football, sautoirs, balançoires, portiques, manèges, jeux de tennis et de croquet, basket-ball, etc. sont mis à la disposition des enfants.
De vastes bâtiments de dimensions harmonieuses et d’un aspect riant, abritent les services de cuisine, réfectoires, abris et dépendances, le tout est complété par une superbe salle de spectacle, pouvant accueillir 3.000 enfants à chaque séance. Nos enfants furent d’abord conduits au terrain chaque jeudi par leurs maîtres. Notre vaste société scolaire, dès lors constituée par statuts et comprenant plus de 6.000 enfants, fut conviée dès le début du mois d’août 1920 à notre terrain de sports. Puis il fut décidé d’organiser pendant les mois d’août et de septembre, une véritable colonie scolaire ouverte à tous les enfants de Roubaix sans distinction. Chaque matin, les enfants, garçons et filles, rassemblés par groupes dans une école de leurs quartiers respectifs, sont conduits au terrain, sous la surveillance d’instituteurs et d’institutrices délégués à cet effet, et de moniteurs de culture physique.
• Programme
Le programme de nos colonies scolaires est avant tout un programme d’éducation physique. L’horaire quotidien, établi méthodiquement, y prévoit une large part aux jeux de toutes sortes précédemment indiqués qui constituent la partie essentielle de l’emploi du temps : il s’agit surtout d’amuser nos enfants et de les attirer nombreux à la colonie. Pour délasser les membres un peu fatigués par l’entraînement physique, et pour ne pas abandonner nos écoliers à l’inactivité, notre horaire prévoit des causeries appropriées faites par les maîtres qui ne perdent pas de vue l’éducation morale de nos enfants.
Enfin, pour compléter cette œuvre prophylactique, la Municipalité a pris à sa charge l’alimentation de tout notre petit monde. Des repas complets copieux et abondants à midi, un petit déjeuner à 10 heures et un goûter à 4 heures sont servis en plein air, lorsque le temps le permet ou dans de vastes réfectoires aménagés à cet effet, pour les jours de pluie.
• Budget
Chaque année, avant guerre, était inscrite au budget une somme de 40.000 francs, destinée aux frais de séjour d’un nombre relativement restreint d’enfants dans un sanatorium salin. L’augmentation des prix de pension ne permettait plus pour un crédit aussi modique d’envoyer un nombre suffisant d’enfants. Par contre le nombre de ceux appelés à bénéficier du régime de plein-air s’est accru dans des proportions effrayantes ; c’est par milliers et non par centaines qu’il faut maintenant les compter.
Et c’est là surtout que réside l’intérêt primordial de l’œuvre : elle atteint la grande masse de notre population enfantine, en évitant de l’éloigner de la famille. Le crédit de 40.000 francs assura le fonctionnement du début ; il subit des augmentations successives, pour atteindre en 1938 la somme de 318.000 francs.
RAPPORT DE M. LEANDRE DUPRE AU CONSEIL MUNICIPAL
DU 30 DECEMBRE 1921
CREATION DE DEUX ECOLES DE PLEIN AIR
« Messieurs,
de l’examen médical des enfants, pratiqué dans les école après la libération, il résultait que presque tous étaient fortement débilités par les ravages de l’occupation, chez plus de 80 %, on constatait des signes de tuberculose au début. Consciente du péril à conjurer se faisant l’écho du cri d’alarme jeté d’ailleurs par tous les médecins et qui a retenti dans le cœur de tous les français l’Administration municipale mit tout en œuvre pour enrayer le mal et refaire la santé chancelante des enfants d’âge scolaire.
Le développement de nos cantines scolaires avec repas de suralimentation, les exercices quotidiens de culture physique ordonnés et méthodiques, la création de nos colonies scolaires l’extension de nos colonies de vacances, tous ces moyens thérapeutiques qui nous avaient permis de toucher la grande masse, ont donné incontestablement des résultats indéniables. Il restait néanmoins tout un lot de « tout petits » léchés par la bacillose et repérés dans les écoles par les médecins-inspecteurs et pour lequel le séjour au grand air n’avait guère été suffisamment prolongé. Nous avons pensé que l’air confiné des salles de classe, les clapiers et les véritables fourmilières dans lesquels certains vivaient ne pouvaient qu’aggraver leur situation.
C’est alors que nous fîmes installer à notre terrain de sports du Pont-Rouge, des baraquements tout à fait confortables, divisés par des cloisons et dont un côté exposé au midi, est constamment ouvert. On s’est d’ailleurs conformé strictement à la réglementation des écoles de plein air si judicieusement conçue. En outre, des instituteurs et institutrices, un moniteur de culture physique est attaché à nos écoles et ne cesse de faire, par roulement, aux différentes classes, des exercices de culture physique. Il serait oiseux de nous étendre sur le fonctionnement. Les programmes et l’emploi du temps de nos écoles. Les méthodes d’enseignement et d’hygiène les plus modernes y sont appliquées.
Il s’agit là d’un problème de prophylaxie sociale qui est appelé à rendre à notre population scolaire les plus signalés services. C’est pénétré de cette vérité, qu’à Roubaix nous avons voulu, dès avril dernier être des novateurs en la matière. Ouvertes à notre terrain du Pont-Rouge nos écoles, qui comptent 400 élèves, ont donné déjà les plus brillants résultats.
Elles répondent tellement à une nécessité, elles sont tellement entrées dans nos mœurs, que malgré la rigueur de la température du début du mois, le relevé de notre contingent scolaire nous a permis de constater que l’effectif du Pont-Rouge était le plus complet. Pas ou presque pas d’absences malgré la distance et les intempéries.
Nous tenons, en passant, à témoigner l’expression de toute notre gratitude à la compagnie des Tramways qui, convaincue de l’efficacité de l’effort, a bien voulu mettre, gracieusement à la disposition des « tout petits », pour l’aller et le retour, une de ses voitures.
Toutes les familles sont maintenant édifiées sur les bienfaits de notre œuvre qui procure à nos petits déshérités les joies fortifiantes de la vie au grand air. Tous se sont adaptés aisément, et cela au grand bénéfice de leur santé, à nos écoles de plein air et on peut affirmer que les excellents résultats constatés, assurant à l’écolier, véritablement atteint dans sa vigueur respiratoire, un retour intégral à la santé sans interrompre le cours normal –et nous insistons sur ce point- de ses études, sauvera un grand nombre de nos petits Roubaisiens de l’emprise définitive de la tuberculose.
Nos écoles en fait leurs preuves, l’expérience a réussi pleinement, l’exemple est tout à fait probant et les résultats dépassent tout ce qu’il était permis d’espérer. (…) »
Edmond Derreumaux
Président de la Société d’Emulation de 1993 à 1996