Pierre-Joseph Couvreur

INTRODUCTEUR DU THÉÂTRE A ROUBAIX
Pierre Joseph Couvreur est né le 8 février 1810 à Herrines en Belgique, à une dizaine de kilomètres au nord de la ville de Tournai. Il arrive à Roubaix encore enfant, âgé seulement de neuf ans. A cette époque, on commençait à travailler très jeune. Et c’est ainsi qu’il excerce successivement les métiers de bâcleur, rattacheur puis fileur.
Le 3 septembre 1838, il épouse à Roubaix Ide Roose, née à Sweveghem en Belgique, fille de Pierre Joseph et de Marie Joseph Depaemelaere. Lors de leur mariage, les époux reconnaissent un enfant prénommé Théophile, né à Roubaix le 6 août 1837.
Pierre Joseph Couvreur s’intéresse très tôt à tout ce qui touche au théâtre de marionnettes. Pendant ses rares loisirs, il taille dans le bois des figurines grossières qui sont ensuite habillées par son épouse. Il les met en scène dans des pièces, drames ou vaudevilles qu’il compose lui-même.
Avec son ami Flamencourt, il commence à donner des représentations au « Moulin de Roubaix » vers 1835. Mais cette association dure peu de temps et, tandis que Flamencourt garde le Moulin de Roubaix, Pierre Couvreur s’installe au « Fort Bayart » puis, plus tard, dans un grenier de la rue du Temple et enfin, rue de la Redoute.
Désireux d’apprendre la comédie, il part à Paris pour être figurant dans divers salles de théâtre. Revenu par la suite à Roubaix, il rassemble toutes ses économies et crée un nouveau théâtre au 8, rue du Fontenoit, dans un hangar du fort Wattel. Les représentations se font dans un local de fortune où les spectateurs s’assoient sur des planches à peine dégrossies et où le sol est fait de terre battue.
Voici une anecdote connue que nous avons plaisir à rappeler : « En hiver, les spectateurs avaient froid et s’en plaignaient, le régisseur qui n’était autre que le directeur Pierre Couvreur lui-même, annonça que pour la représentation prochaine, la salle serait chauffée. Et en effet, à la séance suivante, on put constater la présence d’un feu calorifère allumé. Les spectateurs en furent enchantés. Mais en réalité, il y avait supercherie car on avait simplement placé trois chandelles allumées à l’intérieur du poêle ! ».
Le plus difficile  reste de recruter des artistes parce qu’il n’avait pas les moyens de les rétribuer. C’est donc tout naturellement parmi ses collègues de travail qu’il trouve les acteurs et comme beaucoup ne savent même pas lire, il apprend à chacun son rôle.
L’immense travail accompli à cette époque par Pierre Couvreur mérite que son nom ne reste pas dans l’oubli. Plus tard, une vraie salle de théâtre est construite, propre et spacieuse, qui prend le nom de « Théâtre du Fontenoit » et Pierre Couvreur est nommé Directeur. Dans la fosse d’orchestre, car il y en avait une, trois musiciens peuvent prendre place. Outre les spectacles de marionnettes, on peut aussi applaudir des vaudevilles et diverses saynettes. A diverses occasions, il engage quelques artistes, ce qui donne plus de relief à son théâtre. On y joue : « La grâce de Dieu », « Lazare le pâtre », « Le curé Mérino », « Jacques Cœur », « Les Pauvres de Paris » et d’autres pièces.
En ces temps où il n’y avait ni cinéma, ni télévision, ce théâtre populaire était fort apprécié des roubaisiens. Pierre Joseph Couvreur perd son épouse Ide Roose qui meurt à Roubaix le 28 janvier 1859. Il se remarie ensuite à Roubaix le 12 septembre 1860 avec Amandine Vanhuffel, née à Kain en Belgique, fille de Jean Baptiste, facteur de graines et de Scholastique Philippo.                       
Il aura huit enfants dont 5 deviennent comédiens. Et sa fille Marie Louise, née à Roubaix le 10 octobre 1845 y épouse le 3 juillet 1859, Gustave Grégoire Deschamps, né à Roubaix le 4 novembre 1842, fils de Liévin Joseph, entrepreneur de bâtiment et de Catherine-Henriette Wauquiez. C’est lui qui dirigea par la suite le théâtre du Fontenoit, perpétuant ainsi l’œuvre de son beau-père.
Pierre Couvreur ne s’est pas enrichi. Sur la fin de sa vie, il devient cabaretier puis, par la suite, obtient de la ville, la fonction de garde du square Notre Dame. Il meurt à Roubaix le 25 novembre 1871.

Le patois

Le patois n’est pas, comme l’a dit Littré, du français débraillé, déformé dans la bouche d’un peuple, mais bien un dialecte qui a servi à la formation de la langue française. L’Etat même qui, autrefois, le traitait avec mépris, s’est aperçu qu’il méritait d’échapper au discrédit et a bien voulu accorder à l’Université de Lille la création d’un certificat d’études picardes et wallonnes, anciennes et modernes. Dans cet ordre d’idées, il a été adressé aux instituteurs et institutrices un questionnaire sur la signification et l’étymologie de 5 à 600 mots.

Au pays de Mistral, c’est avec lyrisme que les Félibres chantent la Provence en leur idiome qui n’est autre que la langue d’Oc. Pourquoi, nous, en notre langue d’Oil, qui a bien aussi ses quartiers de noblesse, ne chanterions nous pas notre Flandre bien-aimée ! Rien ne rajeunit comme les vieux souvenirs et qui pourrait mieux nous les remémorer que le langage du pays natal !

Le patois est aux paysans comme leur terre ; ils l’ont trouvé de leurs parents : c’est le lait de leur mère. Le soir aux veillées d’hiver, enfants, ils écoutèrent les vieilles légendes racontées en patois. Plus tard au printemps quand ils suivent le petit chemin dans le bois, pour causer avec leur promise, ils ne trouvent de tendres mots qu’en patois. Le Breton devant l’orage et la tempête fait son signe de croix en priant en patois. Le Provençal ne s’exprime pas avec plus de joie que dans la langue du terroir. Et puis, pendant la guerre le « ch’timi » du Nord savait endurer toutes les souffrances pendant des années entières en chantant le P’tit Quinquin. Certains sont tombés en chantant une dernière fois les airs en patois de leur pays !

Le patois, cette fleur sauvage plus qu’une autre parfume, c’est le doux appel du soir d’une mère à ses enfants.

Ah ! Ce patois, c’est si bon de l’entendre parler lorsqu’on est loin de chez soi : même étant à Paris, où, chaque année, les Lorrains, Alsaciens, Bretons, Provençaux, Bourguignons, se réunissent en un joyeux banquet pour parler ensemble dans la langue maternelle. Et les enfants du Nord et du Pas-de-Calais, autrefois réunis au Grand Véfour du Palais Royal, ont acclamé le Broutteux dans ses pasquilles et chansons en patois du pays natal.

Or, le pays ce n’est pas seulement le foyer, le clocher, ni ces mille liens invisibles qui nous rattachent à la petite patrie : le pays c’est aussi ses amis.

Comme documentation, je crois intéressant de donner quelques extraits d’une étude de M. Escadié de Douai :

 » Le patois vrai et légitime n’est pas un argot factice, un jargon temporaire du caprice : c’est une langue, un dialecte, un idiome, si l’on veut, mais qui a ses règles raisonnées, ou raisonnables, qui a ses richesses, ses beautés « .

Ces règles, ces lois, quoiqu’elles ne soient pas écrites dans une grammaire ou fixées par une syntaxe, ne sont pas pour cela arbitraires ou irrationnelles : elles relèvent directement de la logique naturelle, c’est à dire de ce qu’on appelle le sens commun. C’est au lexicographe de les rechercher et d’en trouver les raisons. Et, pour faire un travail utile, il doit se montrer plus difficile sur le choix des locutions et des mots qu’il admet, que désireux d’en réunir un grand nombre. Une condition qui me semble être essentielle pour arriver à un bon résultat c’est de recueillir les mots directement aux sources ou du moins, le plus près possible des sources où ils ont été conservés avec le moins de mélange. Nous ne disons pas cela, toutefois, pour certains mots ou de certaines façons de dire très légitimes et rationnelles comme « damage » qui a sa raison dans la filiation étymologique du latin dammuns ; on dit en français à mon grand dam pour à mon grand détriment. « Cras » pour gras de crassus « carbon » pour charbon de carbon carbone, etc.

Il en est de même de beaucoup de verbes que le beau langage a déformés et irrégularisés et qui, néanmoins, sont restés dans le patois ce qu’ils étaient primitivement et tels que les conjuguent encore tous les jours selon la loi logique de la formation des temps les enfant avec leur bon sens naturel, ainsi que les étrangers qui ayant appris les règles de notre langue n’en connaissent pas les innombrables exceptions. On trouve dans les vieux écrivains : « nous craindons » pour nous craignons, vous « prendez », pour vous prenez, « ils veneront » pour ils viendront, nous « voirons » pour nous verrons. Au demeurant, la recherche des mots et locutions tombés dans le patois est une étude amusante et assez curieuse. C’est de l’archéologie linguistique. Le patois est éminemment conservateur ; il est par rapport aux ustensiles du langage, ce que sont les vestiaires, les garde-meubles, par rapport aux petits monuments de l’archéologie. Véritablement, le langage n’est-ce pas le costume de la pensée ?

Or, le patois conserve ; il fait plus, il utilise les vieilles locutions, les défroques, que les caprices de la mode ont réformés ou déformés, et, en fait, abandonnées souvent sans qu’on les ait remplacées. Et ces mots, ou des tournures de phrases, mis au rebut, ne sont plus que des curiosités archéologiques qu’on n’exhibe que pour s’en servir maladroitement ou pour s’en amuser comme des costumes des vieux âges en temps de carnaval.

Pour peu qu’on n’y prenne garde, on s’aperçoit que les prétendus ennoblissements et enrichissements de la langue ne sont plus souvent que des appauvrissements des adultérations de la langue. On voit que presque toujours on a rejeté le mot précis et directement expressif pour y substituer des termes généraux et vagues. Tous nos grands écrivains, ces illustres ouvriers du langage, ont lutté contre ces mutilations. Je ne parle pas de nos plus anciens chroniqueurs mais les poètes : Corneille, Molière, La Fontaine ont sauvé et remis en usage le plus qu’ils ont pu de ces joyaux de la vieille langue française. La Bruyère, dans quelques pages, déplore l’abandon qu’on a fait des mots anciens de la langue qu’il reproduit en une longue kyrielle. A ces anciens écrivains de talents ajoutons Marcelline Desbordes, dont la statue figure à douai, sa ville natale. Cet illustre enfant de Gayant, pour obtenir des dons destinés à la fondation d’une crèche, a composé sous ce titre « Oraison pour la crèche », un petit chef d’œuvre en tercets commençant ainsi :

« Dong ! Dong ! ch’est pou chés p’tiots infants

Rassennés din l’ville ed Gayant

Comm’ des tiots’maguett din chés camps ».

Gustave Nadaud fut aussi l’auteur d’une chanson en patois sur Roubaix dont voici le refrain :

« Ch’est à Roubaix, qu’in fait tout mieux qu’ailleurs

Les Roubaignos i sont toudis vainqueurs »

Le célèbre chansonnier roubaisien fit un jour présent au Broutteux des deux volumes de ses chansons illustrées par ses amis. Il les expédia sur deux brouettes comme le dit ce quatrain en patois :

« Puisque t’aim’ben mes canchonnettes,

Watteeuw,

J’te les invos sur deux brouettes,

Broutteux »

Le Broutteux a répondu :

« Mi, j’grippe d’sus m’brouette

Ben haut,

Et j’crie : Vive l’poète

Nadaud ! »

Concluons : nous unissant aux défenseurs du patois, proclamons notre devoir de conserver la langue du pays de nos ancêtres. Ce n’est point avec l’intention (elle serait enfantine) de la voir perpétuer au détriment de notre merveilleuse langue française. Plus modeste est notre but : faire aimer notre petite patrie en popularisant son esprit de gaieté. Laissez-nous jouir de sa beauté, peut-être fruste, mais sûrement captivante pour qui la pénètre. Laissez-nous notre patois pour ses qualités naturelles bien françaises et parce qu’il éveille en nous l’esprit de clocher et les si douces souvenances de notre cher pays natal, résumées en cette devise du Broutteux :

« Y n’a rin d’pus bon qu’ims’ ma mère,

Y n’a rin d’si beau qu’sin pays ! »

Jules Watteuw

Administrateur de la Société d’Émulation de Roubaix

Séance de la Société d’Émulation de Roubaix du 21 octobre 1943

La société des Rosati

Le 12 juin 1778, un groupe d’amis se réunissait dans un petit village d’Artois du nom de Blangy, près d’Arras. Comme les muses, ils étaient neuf : Louis Joseph Legay, avocat au Conseil d’Artois, accompagné de Caramond, Lenglet, Desprets, Caignez, Bergaigne, Giguet, Berthe et Carré. Animés par une réelle joie de vivre, en bons épicuriens et disciples d’Anacreon, poète grec déjà vénéré par Platon, ils célébraient la poésie, la rose et le bon vin. A l’issue de cette journée du « gai savoir », l’un d’eux, sortant de ses poches des pétales de roses, s’écria : « Amis qu’un si beau jour renaisse tous les ans, et qu’on l’appelle la fête des roses ». Ainsi naquirent les Rosati, dignes descendants des « Puys d’Amour » dont les trouvères avaient fait les beaux jours. Au fil des ans, des personnages connus vinrent agrandir le cercle des créateurs, tels Robespierre, Carnot, Dubois de Fosseux, etc.

Aujourd’hui encore, l’intronisation du futur Rosati se fait toujours selon le rite du « cousin Jacques », pseudonyme de Beffroy de Reigny, journaliste, auteur de comédie et sous les auspices de Jean de La Fontaine, « patron des Rosati». Présenté au public par son parrain, le récipiendaire reçoit de trois ballerines la rose, le vin et le baiser, l’assemblée entonnant la chanson « Ecoute ô mon cœur », écrite par Marcel Legay en 1904 et choisie comme hymne des Rosati en 1929.

En 1904, les Rosati décidèrent de distinguer d’une Rose d’Or les personnalités ayant œuvré pour faire connaître et aimer notre région, dans les domaines des arts et des lettres.

Au fil des ans, des célébrités nationales originaires du Septentrion ou ayant fréquenté cette région furent intronisées. Citons parmi celles-ci, des gens de lettres : Paul Adam, Pierre Mac-Orlan, Jean Richepin, Pierre-Jean Jouve, Germaine Acremant, Maurice Fombeure, Jules Mousseron, André Stil, Jacques Duquesne, Alain Decaux, Jean-Louis Fournier, le chef d’orchestre Jean-Claude Casadessus, le compositeur Henri Dutilleux, le chanteur Julos Beaucarne, l’acteur Ronny Coutteure, le conservateur en chef des Musées Nationaux René Huyghe, les peintres Carolus-Duran, Henri Le Sidaner, Carrier-Belleuse, Lucien Jonas, René Ducourant et parmi les derniers élus, l’humoriste Robert Lassus et le comédien Fred Personne.

Les Rosati se réunissent plusieurs fois par an. Leurs repas et réunions sont animés de joutes poétiques, de débats, d’hommages ou de spectacles. Toutefois, ces gens d’esprit prennent garde de ne pas se prendre trop au sérieux. Le plaisir prévaut toujours sur la vanité et l’humour sur les convictions. C’est dans ce contexte que sont organisées tous les ans Les Joutes Poétiques de la Francophonie.

 

NUIT MALEFIQUE

 Viens ! Le ciel se corrode

Au souffle pestilent

D’un succube qui rôde,

         Lent.

 

Partons ! Qui peut savoir

Pourquoi la seule étoile

Etouffe sous un voile

         Noir ?

 

Entends-tu ? La cadence

D’un piétinement sourd

Agresse le silence

         Lourd.

 

Est-ce la sarabande

Qui rythme le sabbat ?

Fou, le cœur de la lande

         Bat.

 

Et sur la grande hune

Du bateau de la nuit,

L’œil torve de la lune

         Luit

 

Pierre QUERLEU (Roubaix)

 

Les pertinents articles de Pierre Querleu dans la revue « Nord » ont été toujours appréciés des connaisseurs, et ses œuvres poétiques les ont séduits par leurs qualités d’invention jointes à un style agréable, d’un classicisme aujourd’hui rare (Evocation », « La fenêtre ouverte », « La Saison mentale »).

 

TENDRESSE

Chaque soir je sens comme un soleil qui m’inonde,

Quand tu parais ainsi, ma belle épouse blonde,

Le sourire incliné vers ta fille qui dort.

Et chaque soir, mon cœur tressaille plus encore

Lorsque mes doigts émus et tremblants de tendresse

Confondent vos chers yeux dans la même caresse.

 

Viens, allons nous asseoir sur le banc du verger.

Dans l’air tiède, ce soir, flotte un parfum léger,

Et le reflet glacé d’une première étoile

Scintille, en tes cheveux, au tulle bleu du voile.

 

De nos genoux unis faisons un doux berceau

Pour notre enfant blottie ainsi qu’un frêle agneau.

Ses yeux vont se fermer sous leur paupière lasse,

Ecoutons-la dormir en parlant à voix basse ;

La nature, elle aussi, va sommeiller bientôt.

Déjà la nuit descend qui traîne son manteau…

 

Amédée PROUVOST (Roubaix)

 La jeune épouse du poète venait de mettre au monde leur fille, Béatrice.

 

SOUS LE TILLEUL

 Au pied de ce tilleul, sur un vieux banc de pierre

J’aime venir m’asseoir aux beaux jours, et rêver

Quand du soleil ardent est près de s’achever

Dans l’azur qui s’éteint le parcours solitaire.

 

Les oiseaux ont mis fin, nichés dans le feuillage

– las de chanter, sans doute- à leur bruyant concert ;

Et sur l’immense plaine où le regard se perd,

Déjà la brume tend un paisible nuage.

 

Plus près, à travers champs, d’un ruisseau qui serpente

Vont bientôt s’effacer les bords capricieux :

Crépuscule d’été, pâle et mystérieux,

Qui parfois me retient jusqu’à la nuit tombante !

 

De la ville fuyant le tumulte ordinaire,

Ici je redécouvre enfin libre, enfin seul,

L’air pur et le silence au pied de ce tilleul

Qui s’incline, amical, vers mon vieux banc de pierre…

 

Jean-Louis LARCY

Les coulonneux de Roubaix

Parmi les loisirs qui permettaient à nos parents et grands-parents d’échapper à l’atmosphère bruyante des tissages, l’élevage des pigeons était l’un des plus répandus. La colombophilie occupait une place importante à Roubaix où les sociétés d’amateurs étaient nombreuses. Les coulonneux participaient à des expositions et des concours largement dotés de prix et toutes ces associations mettaient dans la ville une animation très appréciée engendrant des retombées économiques qui n’étaient pas négligeables.

L’élevage du pigeon voyageurs remonte à la plus haute Antiquité. Utilisé à toutes les époques pour la transmission des messages par les armées et les autorités civiles ou militaires, le pigeon a fait l’objet d’une reproduction très organisée assortie d’une surveillance de la part des législateurs qui entendaient la contrôler jalousement. Groupés en associations, les coulonneux du XIXe siècle procédaient à des sélections répétées de manière à produire des sujets présentant des qualités d’endurance et de vitesse en vue des concours qui se multiplièrent à partir de 1950.

La première société colombophile aurait été créée à Roubaix en 1949 sous le nom de « Cercle de Roubaix » (Pierre Pierrard dans « La Vie Quotidienne dans le Nord au XIXe siècle ».) Nous disposons d’un relevé de sociétés de coulonneux ayant siégé à Roubaix, liste qui comprend plus de 200 noms d’associations dont beaucoup n’eurent qu’une vie éphémère. Peu à peu elle se regroupèrent.

Activité traditionnelle régionale, la colombophilie à Roubaix.

Au début du 19e siècle, la Loi française interdit formellement d’entretenir un colombier de pigeons voyageurs s’il n’est français et muni d’une autorisation préfectorale. A Roubaix, des démarches ont été faites en vue de faire accorder l’autorisation aux étrangers domiciliés à Roubaix, mais le Gouvernement, par souci de Défense nationale, n’a pas cru pouvoir donner une suite favorable à ces démarches.

Le recensement du 1er janvier 1907 a accusé, pour Roubaix, le nombre de 19.455 pigeons voyageurs appartenant à 1.102 amateurs ou éleveurs colombophiles.

Edmond DERREUMAUX
Président de la Société d’Émulation de Roubaix de 1993 à 1996

 

Les adieux de Brel au Casino

Le 16 mai 1967, c’est l’effervescence à Roubaix : Jacques Brel, un des chanteurs les plus marquants des années 1960, y donne son dernier concert public. Lassé par des tournées interminables et par la solitude des hôtels anonymes, épuisé à force de donner toujours le meilleur de lui-même lors de ses concerts, Jacques Brel a déclaré lors de son dernier spectacle à l’Olympia de Paris « qu’il ne veut pas baisser » et qu’il arrête définitivement la scène.

Et c’est précisément à Roubaix que Georges Olivier, le directeur de sa tournée, décide qu’il y donnera son dernier concert. Dès l’ouverture des caisses de location du Casino et en quelques heures, les 2.000 places que contient l’immense salle sont vendues. Les fans viennent de toute la France, aussi bien d’Aix en Provence, de Belgique et que de Londres en Angleterre pour ovationner une dernière fois ce talentueux chanteur.

Quelques heures avant le spectacle, les journalistes et photographes de grands hebdomadaires et quotidiens français et étrangers, de la télévision et de la radio nationales convergent vers la Grand’Rue. Le mot d’ordre est passé : « Cette fois c’est la dernière ! » et personne ne veut manquer cet événement.

Devant une salle comble et survoltée, le public, ému jusqu’aux larmes écoute ses chansons qui s’enchaînent les unes après les autres dans un rythme affolant. Jacques Brel a atteint la maturité des grandes vedettes. Quand il chante, personne ne reste indifférent. Chacune de ses chansons décrit ses semblables avec beaucoup de tendresse, parfois avec férocité mais  toujours avec une grande lucidité.

En bas de la scène, les flashs crépitent, les photographes se bousculent et mitraillent avec deux parfois trois appareils photos. Au pied de la rampe, des dizaines de boîtes de pellicules vides jonchent le sol. Quand  Jacques Brel entame sa dernière chanson « Madeleine », le public sait que le spectacle s’achève. Malgré les rappels, les cris et les sifflets, il ne revient pas sur scène et personne ne réalise encore vraiment qu’il n’y remontera plus.

Pendant ce temps, dans les coulisses toute la grande famille du music hall est là pour l’entourer. Comme Eddie Barclay, venu spécialement de Cannes et Bruno Coquatrix qui a abandonné l’Olympia pour être présent ce soir-là à Roubaix, mais aussi Georges Olivier, Gérard Jouannest, les Delta Rythm Boys… Tous se réunissent avec les musiciens et les amis, les journalistes et les ouvreuses pour entonner en chœur et avec beaucoup d’émotion la chanson « Ce n’est qu’un au revoir ».

Francine Declercq et Laurence Mourette

Photo Nord Éclair

35 ans de cinéma

Paul Maes est né à Roubaix le 3 avril 1930. Après des études à l’Institution Notre-Dame des Victoires, il obtient une licence de Lettres à la Faculté. Il se destine alors au journalisme mais passionné par le cinéma il bifurque vers ce domaine. Il rédige des publicités cinématographiques et anime un ciné-club rue de l’Alma. En 1955, à l’âge de 25 ans, il devient l’adjoint de M. Geldhof qui vient de reprendre le Casino ainsi que le plus important circuit du Nord Pas-de-Calais avec 43 salles. Paul Maes est chargé de la programmation de ce circuit.

A cette époque la ville de Roubaix ne compte pas moins de 15 salles de cinéma : Le Colisée, le Casino, un circuit dit « de seconde exclusivité » : le Cinéma Noël rue Jouffroy, le Royal rue de l’Alma, le Radio Ciné rue du Général Sarrail, un troisième circuit dit « des loisirs familiaux » qui compte plusieurs salles sur Tourcoing et le Rex Place Chaptal, enfin à ces salles s’ajoutent dans les quartiers : l’Alcazar rue de Tourcoing, le Familia rue David d’Angers, le Roxy rue Decrême, l’Universel rue des Longues Haies, le Royal Lacroix rue Lacroix, le Tramway boulevard de Strasbourg, l’Etoile d’Or rue de l’Epeule, le Renaissance rue Pierre de Roubaix, le Fresnoy.

Toutes ces salles connurent leur heure de gloire pendant les années de guerre où le cinéma était la seule et unique distraction des Roubaisiens mais concurrencées par la télévision un certain nombre d’entre elles commencèrent à fermer dès les années soixante. Une des premières à fermer est le Radio Ciné, victime d’un incendie, cette salle avait ouvert en 1938 avec la projection de Blanche Neige et les sept nains.

En 1951, le Colisée transforme sa salle qui devient une des plus belles salles de France, elle compte 2250 places. Celle du Casino compte 1800 places Il va sans dire que le Colisée et le Casino se livrent une concurrence effrénée. En plus des films, les deux salles accueillent des tournées de music-hall, des vedettes de la chanson, des tournées théâtrales. Claude François, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Henri Salvador… se produisent sur la scène du Casino. En 1972, la salle accueille Les Compagnons de la Chanson. Pour tous ces spectacles, les places sont louées en une demi-journée. La seule vedette à ne pas se produire au Casino est Gilbert Bécaud ami personnel de M. Deconninck et qui réserve ses passages au Colisée.

Mais le fait le plus marquant sont les adieux à la scène de Jacques Brel en mai 1967 (toutes les places sont louées en une demie heure de la France entière).

Sur le plan théâtral, en 1960, André Reybaz y présente le Centre dramatique du Nord. Le Casino organise aussi des spectacles pour les personnes âgées, des arbres de Noël pour les entreprises : Caulliez Delaoutre, EDF … Enfin, une revue sur glace « Paris sur glace » est présentée, une partie des sièges étant démontés pour accueillir la piste. Mais l’activité principale reste la programmation des films.

« Dans les années soixante, raconte Paul Maes, la séance de 17 heures 30 du dimanche était complète. Il y avait des abonnés, on louait des places numérotées. L’ambiance était conviviale, les gens arrivaient une demi-heure avant et bavardaient ensemble. Avant le film, on passait les actualités cinématographiques, puis l’entracte durait vingt minutes. La séance se terminait vers 20 heures 15, les gens rentraient alors chez eux, le cinéma était une fête ». 

Pour assurer la programmation des différentes salles du circuit, Paul Maes se rend chaque semaine auprès des agences de distribution de Lille, celles ci sont au nombre de 26 en 1955. Mais elles ferment progressivement et Paul Maes est obligé alors de se rendre à Paris chaque semaine pendant 2 ou 3 jours.

En 1972, le Casino ouvre une petite salle de 250 places : « le Club » tandis que le Colisée ouvre les Colisée 1 et 2 à Roubaix 2000. Cette même année Paul Maes succède en tant que directeur à M. Geldof qui vient de décéder. M. Desrousseaux, neveu de M. Deconninck, devient son adjoint. 

En 1978 se crée un groupement d’intérêt entre le Colisée et le Casino pour lutter contre Lille. C’est l’époque des multiplex : sept petites salles sont ouvertes à la place de la grande salle. Ce complexe prend le nom de Club 7. La fréquentation reste importante jusque dans les années 1980, elle commence à fléchir en 1985 et s’effondre en 1987.  En même temps ferment les dernières salles de quartier. Tout le circuit est alors vendu à un groupe parisien. Paul Maes continue à s’occuper de cinéma sur Paris puis prend officiellement sa retraite en 1990. Le Club 7, sous le nom des Arcades, continue à fonctionner pendant quelques années puis ferme ses portes. En 1999, la Communauté urbaine rachète les bâtiments.

Désormais M. Maes est en retraite à Roubaix avec son épouse. Ses enfants ne travaillent pas dans le cinéma et ont quitté la région. Si vous le croisez au Parc de Barbieux où il se promène régulièrement, n’hésitez pas à le saluer, cela lui fera plaisir. Comme il dit :  » Moi, je ne reconnais pas les gens, ils étaient si nombreux à venir au Casino. Mais eux me reconnaissent et m’interpellent : vous ne seriez pas M. Maes l’ancien directeur du Casino ? ». 

Le Discobolos

UNE STATUE AU COEUR DE ROUBAIX

L’art contemporain s’installe à Roubaix

Subversif, c’est l’étiquette que l’on colle généralement à l’artiste belge de renommée internationale Wim Delvoye, connu entre autres pour avoir tatoué des porcs. Aussi, les interrogations étaient grandes quant à l’arrivée prochaine de l’une de ses œuvres dans le square de la Résidence Latine, à l’angle de la rue Saint Antoine et de l’avenue des Nations Unies. 

Cette initiative des habitants du quartier, représentés par leur Comité, s’est faite en collaboration avec Art Connexion, association créée il y a une quinzaine d’années dans le but de soutenir, diffuser et rendre accessible l’art contemporain au plus grand nombre et qui a servi d’intermédiaire entre artiste et commanditaire. Quant à l’étude de projet et à la réalisation de l’œuvre, la Fondation de France les a financées dans le cadre de l’action des « Nouveaux commanditaires » (un programme initié par la Fondation de France, qui permet aux citoyens de passer commande d’une œuvre à des artistes, par le biais d’un médiateur culturel). La mairie, quant à elle, était partie prenante du projet et s’y est associée en procédant au réaménagement complet du square en vue de l’installation de l’œuvre.

Déchaînant les passions et générant parfois la plus vive opposition, le projet aura mis cinq ans pour voir le jour. Inaugurée le 5 juin 2010 en présence de l’artiste, de représentants municipaux et de nombreux habitants, Discobolos a mis tout le monde d’accord, dissipant immédiatement inquiétudes et malentendus.

le discobolos, dans le petit square, rue saint Antoine © EG

Une œuvre classique ?

Le Discobolos dont s’inspire l’œuvre de Delvoye est l’une des icônes de l’art de la Grèce antique. On la doit à Myron, sculpteur athénien du Ve siècle avant J.-C, réputé pour ses représentations d’athlètes. C’est dire à quel point l’artiste a recherché, si ce n’est le consensus, du moins un symbole classique et rassembleur. Delvoye s’est approprié cet emblème de l’olympisme et l’a réinterprété pour nous en proposer la vision d’un artiste de son temps, sa vision. Chez Delvoye, l’athlète lanceur de disque, en pleine action jusqu’à s’enrouler sur lui-même dans une sorte d’anamorphose qui inspire le mouvement et l’élévation. Issu de la série des « Twisted bronze », littéralement les bronzes tordus, notre sculpture s’approprie un symbole fort mais infiniment moins sujet à polémique au regard des christs tordus sur eux-mêmes que l’artiste a récemment fait voisiner aux côtés de deux petites études pour Discobolos en début d’année au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, le MAMAC de Nice, lors de l’exposition consacrée aux « dessins et maquettes » de l’artiste belge. Il s’agissait d’évoquer, grâce au thème fédérateur du sport, la cohésion entre différentes communautés et mettre en valeur cet espace convivial au cœur d’un quartier multiculturel tout en symbolisant dialogue et partage.

Ce projet, assez inédit dans son cheminement, montre à quel point la ville de Roubaix et ses habitants sont capables du meilleur. Le Discobolos de Delvoye sera un symbole de plus de l’engagement et de l’ambition culturelle de Roubaix en même qu’une nouvelle icône pour la ville. Elle participe de fait au renouveau de son image, initié par le Musée La Piscine. A Roubaix, l’art semble faire des émules et il faut espérer que d’autres initiatives de ce genre verront le jour.

Germain HIRSELJ

Les ducasses à pierrots

Au début du XXe siècle, avec l’arrivée des interminables hivers et de leurs longues soirées, reviennent les ducasses à pierrots. C’est une vieille coutume, bien locale, que l’on retrouve à Lille et aux environs. A Roubaix, en tout cas, son origine se perd dans la nuit des temps. C’est une coutume très populaire qui sert de prétexte, dans une saison maussade où l’on ne sait que faire des ses soirées, « à de gaies réunions et à d’honnestes beuveries ».

Pour annoncer la ducasse à pierrots, le cabaretier accroche à son enseigne une branche de sapin ou de verdure quelconque à laquelle il attache une lanterne vénitienne allumée et un morceau de charcuterie… en carton qui ressemble autant à du boudin qu’à de la saucisse ! Là n’est pas l’important. Le passant sait qu’il trouvera ici le réconfort d’un accueil chaleureux, la ducasse à Pierrots.

Dans la salle de l’estaminet, une grande table d’hôte accueillante est dressée, ou bien, ce qui est plus fréquent, toutes les petites tables du débit ont été garnies de couverts. La nappe est un luxe qu’on ne rencontre pas souvent et donne un petit air de fête. Peu à peu, les amateurs arrivent et la salle se remplit de monde. Il n’est pas rare de voir, ainsi réunies trente, quarante, cinquante personnes et plus qui viennent se payer, à peu de frais, le plaisir d’un frugal repas en nombreuse et joyeuse compagnie.

Les convives, à peine installés à table, se voient apporter une portion fumante et appétissante composée invariablement de haricots mariés à une saucisse qui est l’élément indispensable des ducasses à pierrots. Le pierrot, c’est un bout de saucisse d’une dizaine de centimètres de longueur, un peu plus grosse que celle débitée à la livre chez le charcutier du coin. Elle est toujours accompagnée de haricots bien chauds et fort souvent, aussi, de pommes de terre. La portion, y compris un morceau de pain et une chope de bière coûte de 10 à 12 sous. Le menu, bien évidemment, varie selon les maisons. Accompagnant le pierrot et la saucisse, on vous servira parfois de l’andouillette, du pied de porc, du boudin, et même du lapin, mais c’est surtout la cochonnaille qui est, avec le haricot, la reine de la fête. Le tout étant fort assaisonné, on boit des chopes et encore des chopes, et c’est un appréciable bénéfice pour le cabaretier qui a organisé la ducasse à pierrots.

Chaque estaminet a son tour, ou plutôt, une série de jours où le pierrot cuit en permanence avec les haricots comme garde d’honneur. C’est le samedi, le dimanche et le lundi. Souvent même, le cabaretier annonce à ses clients que le jeudi suivant on mangera « la grosse ». Pour les remercier de leur visite, il leur offre un morceau de plus grosse saucisse. Ne voulant pas être en reste de politesse, les consommateurs se font servir des chopes, le café et le pousse-café. C’est encore et toujours l’occasion d’une nouvelle fête…

La vogue de la ducasse à pierrots est restée de longues années un divertissement simple et peu coûteux très apprécié par les Roubaisiens.

Le jeu de la bourle

La pratique du jeu de bourle est très ancienne. Déjà, le 4 août 1382, un extrait des bans échevinaux de Lille interdit la pratique du jeu de bourle sur la voie publique sous peine d’une « amende de 60 sols » ou de « castagne de verge ».

Lieux de convivialité et de socialisation, les bourloires étaient pourtant nombreuses autrefois à Roubaix, on parle d’une centaine de ces lieux où l’on se retrouvait entre bons amis. Avec l’arrivée de la télévision dans les foyers, les loisirs extérieurs ont perdu leur attrait et aujourd’hui, une seule bourloire est encore en activité. Le terme bourler signifie tituber et tomber. La bourle est une « tronche » de bois cylindrique, c’est-à-dire qu’elle est découpée dans un tronc d’arbre. Sa matière, son poids, son diamètre et sa largeur bombée peuvent avoir des normes différentes suivant les villes où elle est pratiquée. Par contre, les bourles ont toutes un côté faible et un côté fort (ou chargé). Ceci permet de modifier sa trajectoire lorsqu’elle est lancée.

Son poids peut varier de 1,5 à 8 kg. Différents bois sont utilisés pour sa fabrication comme le noyer, le gaïac, le quebracho ou l’orme suivant les régions où elle est pratiquée. De nos jours, la bourle peut être fabriquée en résine de synthèse, le canévasite qui lui assure une plus grande longévité.

La bourle se joue dans une bourloire. La piste, construite spécialement pour sa pratique, se trouve le plus souvent à l’arrière d’un café, d’un cercle associatif ou d’un patronage. Autrefois en plein air, elles sont pratiquement toutes couvertes à ce jour. La piste fait toujours plus ou moins vingt mètres de long. Elle est incurvée, c’est à dire concave sur leur largeur de trois mètres environ. La piste est bordée de deux rives. Les plus anciennes sont faites de terre avec ajout d’argile, de bouse de vache, de sable, de sel, de bière… ou recouverte d’un revêtement synthétique pour les plus récentes. La bourloire est terminée aux extrémités par un fossé appelé « tchu » ou fosse qui permet de recueillir les bourles mises hors jeu. A environ 1,5 mètre de chaque côté de la piste se trouve l’étaque, pièce métallique enfoncée au raz du sol servant pour ainsi dire de cochonnet fixe.

La bourle se pratique par équipe de deux à dix personnes selon les rencontres. Chaque équipe a un commandant de jeu, des pointeurs et des frappeurs. La technique pour l’équipe plaçant le jeu après tirage au sort est d’approcher l’étaque au plus près par les pointeux (pointeurs). Les bourles sont alors roulées délicatement. Les coéquipiers essayeront ensuite de placer d’autres bourles tout au long de la bourloire afin de constituer des hellis (des obstacles) pour leurs adversaires. Ceux-ci à leur tour essayeront de faire JO (prendre le point) en faisant louvoyer leurs bourles grâce aux rives (pentes) de la piste et du fort de la bourle afin de contourner les obstacles et de se rapprocher au plus près de l’étaque. Si cette dernière est encombrée, les butcheux (frappeurs) en force essayeront d’enlever les bourles gênantes.

Un point sera attribué à chacune des bourles de la même équipe se trouvant le plus près de cette étaque.

 

JARGON DE LA BOURLE

La bourloire : Lieu où se pratique la bourle

L’étaque : Pièce métallique enfoncée à chaque extrémité de la bourloire et servant pour ainsi dire de cochonnet fixe.

Faire jo : Marquer le point

Les hellis : Bourles servant d’obstacles pour l’adversaire

Le commandant : Personne qui dirige la stratégie de jeu de l’équipe

Les pointeux : Les pointeurs

Les hellicheux : Les joueurs mettant les hellis

Les butcheux ou tapeux : Les frappeurs

Le tchu : Fossé en bout de piste où sont recueillies les bourles mises hors jeu

Mettre le fort au mur ou fort au jour : Mettre le fort de la bourle d’un côté ou de l’autre

Jouer en rive : Utiliser les pentes de la piste

Le poussage : Force nécessaire donnée à la bourle suivant l’ordre de jeu indiqué par le Commandant.

 

Renseignements aimablement fournis par :

FEDERATION DE BOURLES DU NORD

27, rue de Strasbourg 59200 TOURCOING 03 20 26 61 59

FEDERATION DE BOURLES DE WATTRELOS

41, rue Saint Joseph 59150 Wattrelos 03 20 75 14 95.

FEDERATION DE BOURLES DE TOURCOING

27, rue de Strasbourg 59200 Tourcoing 03 20 26 61 59

Les marionnettes

Le thème d’étude de notre 31e Congrès présente au regard de Roubaix un point d’histoire intéressant : il s’agit des théâtres de marionnettes qui furent nombreux et dont la spécificité, la vie, et maintenant le renouveau, en firent un sujet qui mérite notre attention.

Il y eut des théâtres de marionnettes à Amiens et à Lille mais leur implantation à Roubaix et leur développement furent particulièrement importants. Le plus ancien connu serait celui qui était exploité dans le quartier du Moulin vers 1828 par un nommé Flamencourt, associé à Joseph Couvreur.

PIERRE-JOSEPH COUVREUR

Pierre-Joseph Couvreur, né à Hérinnes près de Tournai le 8 février 1808, était venu à Roubaix à l’âge de 9 ans. D’abord bâcleur, il passa rattacheur puis fileur. Un de ses camarades, Henri Flamencourt, un belge aussi, né à Hollain, était fileur comme lui. Pendant leurs loisirs, ils taillaient, au couteau, dans le bois, des têtes de marionnettes qu’on appelait alors « marmousets » et que leurs épouses habillaient grossièrement. Les deux vedettes de leur théâtre étaient Jacques et Cousin. Pierre-Joseph Couvreur les mettait en scène dans des pièces de sa composition : drames et vaudevilles.

La première eut lieu dans la rue du Moulin. Plus tard, le théâtre sera installé dans le Fort Bayart, rue Saint Antoine. Le Fort, à Roubaix, était un ensemble important de maisons disposées en carré ou en triangle, laissant un grand espace central. Ensuite, installation dans un grenier de la rue du Temple (maintenant rue Emile Moreau). En 1848, Couvreur sacrifie ses économies et emprunte pour fonder un vrai théâtre, rue du Fontenoy dans un hangar du Fort Wattel, derrière l’estaminet « Au Réveil du Jour ». Cet établissement sera connu sous le nom de théâtr’Roian (de roitelet, petit roi, sobriquet que Couvreur devait à sa petite taille). Avec le temps, ce spectacle va dépérir et Couvreur se consacrera au théâtre d’acteurs.

LES BELGES ET LE THEATRE DE MARIONNETTES

A partir de 1850, les théâtres de marionnettes se succédèrent sans interruption. On en a recensé plus de cinquante jusqu’en 1910, avec des fortunes diverses, dans les vieux quartiers ouvriers du Cul de Four et du Fontenoy, où habitait la plus grande partie de la population belge. C’est là qu’il faut trouver l’origine des marionnettes roubaisiennes.

L’afflux des ouvriers belges se fit à partir de 1820 à Roubaix. Les nombreuses demandes d’ouverture de ces petits théâtres, que l’on trouve aux Archives municipales, portent invariablement le nom des nouveaux immigrants wallons ou flamands. Il s’agit pour eux de compléter un salaire médiocre, ou de pouvoir subvenir à l’entretien de leur famille, étant malade ou handicapé.

Ainsi Henri Gisverdale avait été accidenté aux yeux, et se trouvait sans travail. Henri Genterdaele, ancien ouvrier menuisier, atteint d’une grave affection de la vue, était sans travail depuis 7 ans. Polydore Vandenbosche, ancien tisserand, était incapable de travailler avec une femme phtisique.

LE THEATRE DE MARIONNETTES A ROUBAIX

Nous empruntons tous les détails de la description de ce que fut le théâtre de marionnettes à Roubaix, à un manuscrit inédit de Charles Bodart-Timal intitulé « Le Théâtre Populaire à Roubaix et Tourcoing ».

Les théâtres de marionnettes avaient pour cadre soit une baraque rudimentaire au fond d’une cour ou d’une impasse, soit un grenier, mais, le plus souvent, les propriétaires utilisaient pour leurs représentations ce qu’on est convenu d’appeler chez nous « la pièce du devant ».

Les spectateurs s’y trouvaient assis sur des bancs de bois à peine équarris, disposés en gradins dans une atmosphère lourde et poussiéreuse, sans aucun confort ; la population ouvrière s’y donnait rendez-vous. On a pu recueillir quelques-uns des refrains que chantaient, lors des entractes, les spectateurs dans ces différents théâtres. C’est ainsi qu’au théâtre Desmettre où un portier faisait la police, on disait à son adresse :

Et au théâtre Desmettre

J’ai un nouveau porti

Avec que s’longu’badjette

Y vous tue à monti.

Au théâtre Lecocq, rue des Longues Haies, appelé encore « le Théâtre des enfants du Nord », on chantait, sans doute en raison de ce qu’on y vendait :

Tchi qui veut des moules                                  

Et des marmoulettes ?                          

Des penn’terre à l’p’lure

Et des saurets sans tête.

Traduction :

Qu’est-ce qui veut des moules ?

(des grosses de Hollande)

Et des petites moules

(celles de Wimereux)

Des pommes-de-terre à la pelure

Et des harengs sans tête.

Au théâtre Louis, comme partout ailleurs, on répétait en chœur avant la bamboche (petite pièce comique jouée avec des personnages d’expression patoisante), qui devait clôturer la séance, sur l’air du Clair de la Lune :

Acore in boboche

Et in s’in ira

Mets tes sous dins t’poche

Et in arven’ra !

Ces théâtres de marionnettes disparurent un à un à partir de 1900 ; l’avant-dernier, le théâtre Eugène Mahieu, rue Ma Campagne, ferma ses portes en 1910. Un seul résista à la débâcle, le théâtre Louis qui, malgré une certaine désaffection due à l’apparition du cinéma, put encore donner des séances régulières jusqu’au mois de mai 1940.