La Muse de Nadaud, présentation

Par Monsieur Jean JESSUS
Président de La Muse de Nadaud
Administrateur de la Société d’Emulation de Roubaix
Roubaisiens ou habitants de communes limitrophes (Lannoy, Tourcoing Villeneuve d’Ascq, Wattrelos), tous ceux et celles qui ont signé les pages qui suivent ont fait partie de LA MUSE DE NADAUD.
Bien que de convictions religieuses ou politiques parfois opposées, issus de classes aisées ou de milieux modestes, exerçant les professions les plus variées, tous étaient unis par un commun amour de la poésie.
Respectant la prosodie traditionnelle qui leur avait été familière dès l’âge scolaire, ils ont su exprimer avec art et sincérité leurs émotions, leurs rêves, leur vision de la vie.
Dans ses Statuts, LA MUSE DE NADAUD prévoit, entre autres activités, de faire connaître les œuvres de ses membres. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé souhaitable de composer la présente Anthologie, hommage bien mérité rendu à nos poètes – pour la plupart disparus…
 
HISTORIQUE
 
Le samedi 4 avril 1903, Brasserie des Orphéonistes à Roubaix, avait lieu un concert de Bienfaisance avec le concours de l’Union Artistique au bénéfice du chansonnier Henri Samoëns, récemment opéré de la cataracte, et dont les ressources étaient épuisées.
 
Cette représentation permit à nos poètes, comédiens, artistes lyriques, fantaisistes, de travailler en collaboration. Elle leur donna l’idée de se rencontrer périodiquement afin d’améliorer leur art grâce à une fraternelle émulation – sans négliger pour autant l’entraide matérielle. Telles furent les origines de la MUSE DE NADAUD.
 
Les fondateurs se proposaient non seulement de secourir les plus démunis des sociétaires, mais également d’entretenir le souvenir du célèbre auteur, décédé dix ans plus tôt. Parallèlement ils résolurent de faire connaître mieux les poètes et les chansonniers de Roubaix et des environs.
 
Notre premier Président fut Adolphe Delannoy, « lauréat » (dit la chronique) « d’importants Concours littéraires ». Ernest Chebroux, chansonnier en renom, ami confident et exécuteur testamentaire de Nadaud, accepta la Présidence d’Honneur qu’il assurera jusqu’à sa mort en 1910.
 
En 1906, un jeune poète futur lauréat de l’Académie Française rejoint nos rangs. Il se nomme Amédée Prouvost. Son cousin Charles Droulers, non moins doué, fait de même. Nous arrivons au chiffre de 40 membres… Euphorique, la MUSE lance une revue hebdomadaire, « La Fauvette ». Hélas ! Cet oisillon présomptueux ne chantera que pendant six mois. Et d’aucuns, amers, déplorèrent alors l’indifférence des Roubaisiens pour la littérature !
 
Jusqu’à la déclaration de guerre en août 1914, l’Association connut une renommée croissante, présentant maints spectacles, concerts et autres Solennités artistiques, organisant même des bals et des tombolas.
 
Après 1918, la paix étant de retour et le progrès social en marche elle délaissa plus ou moins ses activités secourables. La promotion de l’art d’écrire – soit en patois soit en français -, devint sa principale préoccupation.
 
En 1920 déraisonnablement obstinée, elle fit paraître « La Nouvelle Fauvette » qui connut le même sort que l’ancienne.
 
De 1922 à 1930 dirigée par Napoléon Lefebvre professeur de Lettres à l’Institut Turgot et, ensuite, sous la houlette de Charles Barenne Musard chevronné notre Cénacle fonctionna de la manière la plus satisfaisante.
 
Marc Choquet remplaça Charles Barenne démissionnaire en raison de son grand âge. Dynamique journaliste il relança un projet depuis longtemps caressé : l’édition de poèmes dus à la plume de nos Sociétaires. Le recueil parut en 1947. Œuvres inégales à coup sûr. Du moins leurs auteurs pouvaient se dire, à l’instar du poète latin : je ne mourrai pas tout entier. Douce illusion : à l’heure actuelle essayez donc de dénicher ce petit livre !
 
Le fanion de l’Association ayant mystérieusement disparu Marc Choquet décida de nous doter d’un drapeau. Conçu par René Jacob professeur d’Histoire de l’Art cet emblème fut orné de broderies faites par Yvonne Lecrès, professeur à l’Institut Sévigné de Tourcoing et Premier Ouvrier de France. Peut-être fut-il déployé lors des festivités qui, en 1953, marquèrent le Cinquantenaire de la Muse clôturé au Grand Café par de mémorables agapes.
 
Ultérieurement, trois plaquettes virent le jour : Les Plus belles chansons de Gustave Nadaud en 1957, Amédée Prouvost en 1958 Louis Catrice  en 1961, éditées grâce à l’aide financière de la Ville de Roubaix.
 
L’élan eût pu se poursuivre si, pour d’obscurs motifs, Marc Choquet n’eût présenté sa démission. Fernand Hanscotte prit les rênes, relayé par Gaston Gilman, journaliste connu. Ce dernier occupa la présidence jusqu’en 1976, année où il prit sa retraite et quitta notre région.
 
Au cours des années suivantes, LA MUSE poursuivit ses activités. De nouveaux membres sont admis, les causeries données lors des réunions périodiques trouvent écho dans la presse. Nos sociétaires affrontent avec succès d’exigeant concours littéraires et les joutes que nous organisons sont très suivies.
 
Survient alors la catastrophe, imprévisible : la salle privée, mise à notre disposition doit fermer ses portes. En dépit de multiples démarches, impossible de trouver un autre local. Une série de deuils, ensuite, vient décimer nos rangs : disparaissent Yvonne Berson, Fernand Derclaye, Géo Duvivier, Suzanne Egels, Jules Steelandt, Georges Teneul, Nicolas Vnoukovsky… La dissolution semble inévitable.
 
Cependant mis au courant de cette situation, Bernard Schaeffer, Président de la Société d’Emulation de Roubaix et Monsieur Odoux, de la Renaissance Française ont exprimé le souhait de ne pas voir sombrer une Association qui ainsi a occupé une place si importante dans le paysage culturel roubaisien. Un vœu qui, somme toute, n’est peut-être pas irréalisable.
 
La Muse de Nadaud intègre en 2009 la Société d’Emulation de Roubaix pour mettre à la disposition des chercheurs et du public son histoire et ses archives.

Histoire de la Société

« semper ascende»

En 1868, un groupe d’amis réunis par une passion commune pour les Lettres, les Arts et les Sciences, jugèrent que la vie à Roubaix était assez intense pour permettre qu’on y philosophât un peu et c’est dans ce but qu’ils créèrent à l’instigation de M. Théodore Leuridan, archiviste municipal et M. Alexandre Faidherbe instituteur communal la Société d’Emulation de Roubaix. Les statuts définissaient ainsi les buts et la tâche qu’elle se proposait :

« La Société d’Émulation de Roubaix est instituée pour l’étude et le développement des progrès des Sciences des Lettres, des Arts et de l’Industrie. Son but est de seconder le mouvement intellectuel par la publication de ses travaux et des mémoires qu’elle aura honorés de son suffrage par l’impression des documents inédits relatifs à l’histoire locale et par des concours annuels.

Elle récompense les services rendus aux Sciences, aux Lettres, aux Arts et à l’Industrie ; elle encourage les efforts tentés dans cette voie ; elle signale et récompense les actions de haute moralité accomplies dans la circonscription qu’elle embrasse.

Cette circonscription comprend la ville et les deux cantons de Roubaix suivant l’intention de ses fondateurs, la Société, tout en maintenant, sans esprit d’exclusion, ses principes catholiques, s’interdit toute discussion sur des matières religieuses ou politiques ».

Le premier volume des « Mémoires de la Société d’Émulation de Roubaix » parait en 1871, imprimé par la Maison Béghin, rue du Curé à Roubaix. 31 volumes au total seront édités (le 30ème date de 1914 et le 31ème de 1919). La très grande diversité des thèmes abordés montre le travail extraordinaire fourni par des curieux et des passionnés, œuvres bénévoles non pas d’oisifs qui se créent une occupation, mais de laborieux, absorbés par leur profession.

Se réunissant tout d’abord dans la salle de lecture de la bibliothèque  publique, les séances se feront à partir de 1890 dans la bibliothèque de l’École nationale des Arts Industriels, puis à la Bourse dans l’ancienne salle de la société de géographie, mise à sa disposition par la Chambre de Commerce. Entre 1901 et jusqu’en 1914, La Société d’Émulation tient ses séances à la Caisse d’Épargne municipale.

La Société d’Émulation de Roubaix dans la Tourmente (1914-1919)

Au cours de la guerre 1914-18, la bibliothèque de la Société d’Émulation est pillée. Celle-ci, constituée presque uniquement par des échanges avec d’autres sociétés savantes, comprenait alors 20.000 volumes environ et un expert de Paris l’avait estimée à 250.000 francs. Il existait certaines éditions très rares comme le tome 31 de la Revue Africaine qui contenait un rapport sur des fouilles effectuées à Suse et qui n’existait plus qu’en un seul exemplaire à Roubaix.

Après l’Armistice, il reste environ 12.000 volumes dont plusieurs collections dépareillées. Le Chanoine Leuridan qui exerce au lendemain de la guerre la présidence de la Société, offre la bibliothèque à la ville de Roubaix à charge à elle de verser à la société une indemnité analogue à celle prévue par la Société des sciences de Lille. Ceci devait permettre de reconstituer un fonds de bibliothèque municipale, celle-ci ayant été cédée à l’École Nationale des Arts. La ville s’empresse d’accepter et l’accord est conclu aussitôt. Après examen des livres, M. Lebas, maire de Roubaix, appréciant l’importance de la bibliothèque apportée à la ville et voulant témoigner la reconnaissance de celle-ci écrivit au chanoine Leuridan pour l’informer que la société d’Émulation recevrait désormais une subvention annuelle de 200 francs. Par ailleurs, la Société fut admise à tenir ses réunions à la Mairie dans la salle des Commissions. Par la suite, 3 autres tomes de l’ « Histoire de Seclin » seront publiés par le Chanoine Leuridan.

La Société d’Émulation de Roubaix aujourd’hui

Peu à peu, sous l’influence de ses Présidents, Théodore Leuridan puis Gaston Motte, Georges Teneul, Jacques Prouvost, Edmond Derreumaux, Philippe Waret, Bernard Schaeffer, et maintenant Gi, lles Maury, la Société d’Émulation se consacre presque essentiellement à l’étude de l’Histoire de Roubaix. Une histoire riche et diverse qui permet aux membres de l’Association d’étudier, certes l’Histoire de Roubaix mais aussi celle du folklore et des traditions locales.

Pour transmettre à tous le fruit de leurs recherches, ses administrateurs organisent des conférences, participent à des expositions ou des manifestations et éditent un certain nombre de publications. Un nouveau magazine d’une quarantaine de pages complète ces actions et dernièrement ce nouveau site internet, animé par tous les passionnés d’histoire de Roubaix.

La Société d’Émulation de Roubaix est affiliée à la Fédération des Sociétés savantes du Nord de la France et participe à ses travaux. Elle a aussi, bien entendu, de nombreux contacts et échanges avec les autres associations régionales et internationales poursuivant les mêmes buts.

LISTE DES PRESIDENTS DE LA SOCIETE D’EMULATION DE ROUBAIX

M.   Th. Leuridan – 12 novembre 1869
M.   D. Bonnier – 17 janvier 1870
M.   L. Scrépel-Chrétien – 25 mars 1871
M.   le Docteur Liagre – 20 janvier 1872
M.   L. Scrépel-Chrétien – 28 janvier 1873
M.   L. Legrand – 24 janvier 1874
M.   L’abbé Vassart – 24 avril 1875
M.   A. Faidherbe – 11 mars 1876
M.   A. Musin – 10 mars 1877
M.   D. Bonnier – 13 avril 1878

M. L’Abbé Vassart – 19 février 1881

M.   Th. Leuridan – 26 janvier 1884
M.   A. Faidherbe – 12 mars 1886
M.   L’abbé Vassart – 13 mai 1887
M.   L’abbé Ghesquier – 25 janvier 1889
M.   Prouvost-Bénat –  14 février 1890
M.   Th. Leuridan –  20 mars 1891
M.   L’abbé Ghesquier – 1895-1897
M.   Prouvost-Bénat – 1897-1900
M.   Léon Petit – 1900-1901
M.   Alexandre Faidherbe père – 1901-1903
M.   Amédee Prouvost – 1904
M.   Pierre Lestienne – 1906-1910
M.   Ernest Prouvot – 1911-1912
M.   Le Chanoine Leuridan – 1912
M.   Gaston Motte – 1943-1955
M.   Georges Teneul – 1955-1977
M.   Jacques Prouvost – 1977-1992
M.   Edmond Derreumaux – 1993-1999
M.   Philippe Waret – 1999-2003
M.   Bernard Schaeffer – 2003-2015

M.   Gilles Maury – 2015

Le cachet de la société

Le cachet de la SER

Le cachet ou sceau de la Société d’Émulation représente un livre ouvert, éclairé par quelques rayons du soleil, et entouré des attributs des lettres, des arts et des sciences, la plume, le caducée, la sphère, le compas, l’équerre, la palette, la cornue, etc..

Sur le feuillet de gauche du livre, les armes de Roubaix, rappelant l’histoire et l’industrie locales ; sur le feuillet de droite, la devise de la Société, dont le choix fut fait dans la séance du 12 juillet 1869. Plusieurs devises avaient été proposées :

La première indiquait bien que le Roubaisien sait quitter la navette pour la plume, les préoccupations de l’industrie pour la culture des lettres et des arts ; mais elle ne sembla ne point s’appliquer suffisamment à la généralité des membres de la Société, dont la moitié n’était point engagée dans l’industrie.

La seconde extraite d’une épigraphe de Michel de Roubaix : ne scribam vanum, duc, pia Virgo, manun, avait une application plus générale, mais elle parut trop vague en l’absence de son complément, elle laissait un trop vaste champ à l’interprétation et l’on eût pu lui donner une portée qui n’était  point dans les vues de la Société.

La troisième fit craindre que dans notre ville commerçante et industrielle où toute transaction, tout travail, toute émulation se résume dans le gain, on ne fit un rapprochement peu favorable au désintéressement que suppose le culte des lettres, des sciences et des arts.

La dernière, « semper ascende », proposée par l’abbé Vassart, est une parole tirée de Saint Augustin ; elle rentre parfaitement dans le style des devises : elle exprime heureusement et énergiquement le progrès qui toujours marche ; elle ne laisse rien d’indéterminé : elle caractérise nettement le but de l’émulation.