J’aimerais apporter ma contribution pour évoquer « Ma Rue », le boulevard de Metz. Je n’ai pas consulté le cadastre de 1850, je ne connais pas son origine, c’était la route vers Tourcoing, Mouscron ou y venant. C’est maintenant la voie urbaine très fréquentée toujours vers ou de Gand, la voie rapide Lille-Paris.
Je peux évoquer son histoire par les nombreux souvenirs car j’y vis depuis ma naissance et une arrière-grand-mère maternelle, mes grands-parents maternels et paternels, mes parents y ont vécu au numéro 5 (j’y suis née en 1915) au numéro 16 (cabaret) au numéro 26 (cour), et au numéro 94 (cabaret du Tap’au Tour).
En 1882, il y avait de nombreuses maisons à « bass’toture » ou à « 4 otils », de vieilles courées et un ruisseau (le courant Saint Joseph ou des Préaux) se jetait dans le Trichon par le boulevard de Strasbourg au Galon d’Eau, actuellement au niveau de l’immeuble C.I.L. rue Nadaud-Grande Rue. Cette rue Nadaud possédait un peignage Allard et le déversement des eaux de lavage rendait le « riez » nauséabond, même lorsque l’on créa les égouts. Nous l’appelions la « Rue Puante ».
Mes grands-parents Decottignies-Dubled habitaient le cabaret « Au Dernier Sou ». Mon grand-père travaillait comme rentreur à l’usine textile Toulemonde, il travaillait « aux pièces », vif, courageux, il gagnait bien sa vie car il exploitait avec sa femme (fille du cabaret au Tap’au Tour au numéro 94) un cabaret au 16, boulevard de Metz. En rentrant de l’usine, il mettait son petit tablier bleu et servait la bière aux ouvriers, jouaient aux cartes avec eux et le matin, avant le départ à l’usine, c’était le café et le genièvre. Ma grand-mère faisait les dîners pour la halte de midi, et en saison, tôt le matin, le dimanche, c’était les concours de chants de pinsons. Les filles n’avaient pas le droit d’aller au comptoir, elles aidaient leur mère et travaillaient à domicile, piquaient des tiges de chaussures (chamarreuses). Les fils étaient cordonniers dans les maisons voisines, aux numéros 12 et 14.
Avec ses économies, mon grand-père eut sa courée vers 1895, au moment où se construisaient de nombreuses maisons et de très nombreuses courées avec le cabaret à côté ou au coin des rues. Je me souviens des numéros 1 – 13 – 29 – 33 – 41 – 45, cabarets où l’on chantait tard le soir et dans la nuit le samedi. Du 91 au 103, c’était les usines Toulemonde et Tournoys avec leurs chaudières monstres et leurs cheminées géantes. Entre le 47 et le 85, c’était la ferme Deldalle avec des prairies (pâtures), les vaches traversaient la rue pour aller pâturer de l’autre côté du boulevard, du 46 à l’angle de la rue Daubenton jusqu’au canal et nous aimions passer sous les barbelés pour jouer dans l’herbe ou en cueillir pour « nos lapins ». Cabarets et courées étaient aussi nombreux du côté pair au 2 – 16 bis (la cour Decottignies : 5 maisons) 20 – 26 – 36 – 40, puis au-delà de la rue Daubenton, vers le tir à perche vers le 110.
Souvenirs ! La Reine des reines, Flore Barloy habitait une maison vétuste et sale où l’on a construit, après démolition, la cour Decottignies, parallèle à la rue (ce qui était rare disait Monsieur Jacques Prouvost). Cette Flore Barloy avait un teint lumineux, « un port de reine », disait ma mère née comme elle en 1884. On voit la cérémonie sur le recueil de cartes postales (introuvable), c’était lors des fêtes d’une exposition à thème colonial vers 1904, je crois, avec Eugène Motte, maire de 1902 à 1912, remplacé par Jean-Baptiste Lebas.
Marguerite BERGERET-HAUDEGE
Décembre 1993