Cette importante artère qui mesure 1 250 mètres de longueur sur une largeur de 20 mètres part de la place Faidherbe pour aboutir au Pont du Sartel. Elle fut classée en 1871 et porte le nom d’une seigneurie citée dès le XIIIe siècle dont Gillebiers de Beaurepaire, noble homme, qui était homme de fief du seigneur de Roubaix. Il s’y trouvait une « cense » qui disparut au XIXe siècle et dont le dernier fermier Pierre Delannoy, fut conseiller municipal en 1834. Il est l’un de ceux qui avaient milité sans succès pour la division de Roubaix en deux communes : Roubaix-Ville et Roubaix-Campagne. Les fermiers qui défendaient cette thèse s’élevaient en particulier contre les droits qui frappaient toutes leurs récoltes ramassées sur leurs terres extérieures à Roubaix. Depuis 1802, en effet un octroi taxait toutes les entrées de marchandises en ville, un bureau de l’octroi se trouvait à l’entrée du boulevard de Beaurepaire.
Près de la ferme, une modeste chapelle érigée vers 1815, était dédiée à Notre-Dame des Grâces en vertu d’un voeu des fermiers pour la guérison de leur fils infirme. Cette chapelle fut démolie en 1904. Lors des processions des Rogations (qui se déroulaient chaque année durant trois jours précédant l’Ascension pour implorer la protection du ciel sur les récoltes), le cortège religieux qui quittait l’église Saint-Martin, seule paroisse à Roubaix jusqu’en 1846, se rendant à cette chapelle. Le développement industriel de Roubaix devait modifier complètement l’aspect du boulevard de Beaurepaire.
Les terrains disponibles permirent l’implantation d’entreprises importantes, telles que la Brasserie Dazin Frères (au n°25), dans laquelle un incendie s’était déclaré il y a juste un siècle le 26 avril 1893, devenue vers 1910 la société Delcourt et Salembier, puis après 1920 la brasserie de Beaurepaire. C’était l’une des plus importantes de Roubaix. Quelques pas plus loin, au n°35, se trouvait la minoterie Courouble Frères, et juste à côté, au n°37, l’entreprise G. Lehoucq, bois et scieries, toujours présente à la même adresse, ce qui en fait une des maisons centenaires de Roubaix puisqu’elle est citée au même endroit dès 1892 … Au n°209, le Peignage de Beaurepaire.
Du côté pair, le « Conditionnement public » de la Chambre de Commerce de Roubaix, voisin des bâtiments de l’usine Motte et Blanchot, rue de Babylone. Au n° 108, un fabricant de chicorée du nom de Lucas n’eut qu’une présence éphémère et au n° 288 bis, le bureau de l’Octroi de Roubaix mettait le point final.
Cette forte présence de l’industrie et du commerce s’était accompagnée d’un développement des constructions à usage d’habitation et surtout de cabarets nombreux dans cette rue dont les enseignes témoignent de la clientèle à laquelle ils aspiraient : au Repos des Charbonniers, au Boeuf Gras, au Bon Coin, à la Brasserie de Beaurepaire, à la Petite Hirondelle, A la Descente des Forgerons, A la Citerne de Beaurepaire, à la Réunion des Fileurs, A l’Arrivée de Leers, au Franc Coqueleur, A l’Hidalgo. Cinq courées s’inséraient dans cette vaste artère : les cours Bonnet, Fauvarque, Duquesnoy, Raux et Spriet.
Pour assurer les communications avec le centre ville, courait une ligne de tramways, en deux tronçons (ligne H et ligne n°6) qui fusionneront en 1936 sous le vocable H lorsque pourra enfin cesser le transbordement en gare du Pile pour les voyageurs se rendant à Leers ou en venant. Le tramway sera remplacé en 1953 par des autobus.
De nos jours, le boulevard de Beaurepaire est toujours une importante voie du réseau de communication entre Roubaix et Leers ou Wattrelos. Deux rangées d’arbres, dont la plantation était prévue en 1914, lui donnent durant la belle saison un semblant de verdure.
Le premier « Conditionnement public » de Roubaix fut autorisé par un décret du 31 août 1858. Dans sa réunion du 11 avril 1857, le Conseil municipal avait souhaité cette création. Il fut installé dans les bâtiments précédemment à usage de teinturerie appartenant à la famille Duforest et que la ville avait acquis à la suite d’une déclaration d’utilité publique prononcée par le Tribunal Civil de Lille le 4 mars 1854. Cet achat avait été fait en provision de l’établissement d’un marché couvert, mais cette idée ayant été abandonnée, l’immeuble fut affecté au conditionnement.
En 1880, les installations se révélant insuffisantes, on décide d’acquérir différents terrains totalisant 7 056 mètres carrés entre le boulevard d’Halluin et la rue de la Chaussée. Sur ce terrain, on construira un établissement adapté au volume de l’activité roubaisienne. Il sera ouvert en 1883. Les bâtiments de la rue du Château libérés par ce transfert sont alors affectés à différents services municipaux.
En 1894, la Municipalité, en raison du développement de l’activité économique, envisage de créer un second établissement de conditionnement. Dans ce but, elle décide l’achat à Madame Veuve Motte-Grimonprez d’un terrain de 9 197 mètres carrés entre la place Faidherbe, le Boulevard de Beaurepaire et la rue Monge. Cette décision provoque un litige avec la Chambre de Commerce qui souhaitait créer elle-même ce nouveau conditionnement alors que la Municipalité avait les mêmes prétentions.
Il s’ensuit une succession de discussions qui retarderont l’exécution du projet, lequel prend corps le 27 octobre 1899, date à laquelle un décret préfectoral autorise la Chambre de Commerce de Roubaix à créer boulevard de Beaurepaire une « succursale du Conditionnement public ». Le 23 avril 1909, le Conseil municipal décide de fusionner les deux Conditionnements sous la direction unique de la Chambre de Commerce de Roubaix.
Enfin, par un décret du 11 décembre 1928, la Chambre de Commerce est autorisée à résilier le contrat de gestion passé en 1909 avec la ville, à acquérir le Conditionnement du boulevard d’Halluin (propriété de la ville jusqu’alors) et le bureau de Mesurage public. Ce dernier service comprenait avant 1914 quatre bureaux (rue des Sept Ponts, rue Lacroix, rue Nain et rue de l’Alma). Après la guerre de 1914-1918, seul le bureau de la rue de l’Alma fut rouvert jusqu’en 1929, date à laquelle il fut fermé et les opérations transférées au Conditionnement.
La récession économique qui a réduit la production textile roubaisienne a amené la cessation de l’activité du Conditionnement du boulevard de Beaurepaire dont les bâtiments accueillent aujourd’hui des activités et des animations culturelles sous l’enseigne de « La Condition Publique ».
Ce texte figure dans le tome 1 de l’histoire des rues de Roubaix, paru en 1999-2000. Les flâneurs, auteurs de ces chroniques, n’ayant jamais prétendu être exhaustifs, tout complément est le bien venu, en citant les sources, bien entendu. D’avance merci !
Philippe Waret