Gustave Nadaud

NOTRE POETE CHANSONNIER ROUBAISIEN

C’est en face de la Place de la Liberté dans un immeuble aujourd’hui disparu, qu’il voit le jour le 21 février 1820. La future grande cité n’est alors qu’une bourgade semi rurale d’environ 12 000 âmes où, timidement, l’industrie textile commence à s’implanter.

La famille du nouveau-né y exploite un négoce de tissus. Est-il interdit de penser que, peut-être, l’heureux père rêva de voir un jour Charles-Gustave lui succéder à la tête de l’entreprise ? Le sort devait en décider autrement…

Le bambin va fréquenter l’école des Frères, rue de l’Hospice. Ensuite, on l’enverra à Paris où, comme interne, il sera admis au très réputé Collège Rollin. Reçu bachelier (en ce temps-là, c’était quelque chose !) il réintègre le nid familial. Et il lui faut s’initier aux subtilités de la gestion et de la comptabilité. A 20 ans, sa formation étant jugée satisfaisante, le voici de retour dans la capitale, mais chargé, cette fois, de tenir la succursale des Ets Vouzelle-Nadaud, récemment installée.

Prétendre, à l’instar de certains chroniqueurs, qu’il négligea plus ou moins sa tâche (préférant le commerce des Muses) est inexact. Il s’en acquitta consciencieusement. Toutefois (lui-même l’avoue) « en cachette et la nuit plutôt que le jour » il rime… des chansonnettes dont certaines un peu lestes lui valent des admonestations paternelles.

Peu à peu le jeune auteur se fait connaître soit dans les Cénacles littéraires du Quartier Latin, soit dans les guinguettes à la mode ou des les salons bourgeois. Il détaille ses couplets dont il a composé la musique. Ayant appris non seulement le solfège, mais aussi le piano, il s’accompagne sans problème.

Il a 32 ans lorsque se lève le Jour de Gloire. Sa chanson « Les Deux Gendarmes » est un triomphe, qui se propagera irrésistiblement. Partout, à pleine voix, l’on reprendra le refrain :

« Brigadier, répondit Pandore,

Brigadier, vous avez raison ! ».

L’auteur ne sommeillera pas sur ses lauriers. Abandonnant les tissus, il s’adonna aux lettres. Nous lui devons plus de 500 chansons (dont une bonne centaine paroles et musique), des opérettes de salon, une comédie, un roman, un « solfège poétique et musical », des « notes d’un infirmier » en 1871 et en 1892, un an avant sa mort, les « Souvenirs d’un Vieux Roubaisien ».

Ses droits d’auteur, pourtant, ne lui apportaient que des ressources médiocres. Il vivait au jour le jour, ou presque. En 1881, l’édition complète de ses chansons lui procura enfin une confortable aisance. Il affecta une part de l’argent reçu à la création d’une Caisse de Secours en faveur des Chansonniers nécessiteux. Le reste lui permit de se faire construire à Nice une modeste résidence secondaire baptisée « Villa Pandore ». Il vivait à Paris mais se déplaçait beaucoup. Sa cité natale n’était pas oubliée : il adorait venir s’y retremper parmi les siens. Par ailleurs, Président d’Honneur du vénérable « Cercle du Dauphin », il retrouvait là ses grands amis patoisants : Desrousseaux, le Lillois et Watteeuw, le Tourquennois, un sacré trio qui, lors des réunions, ne distillait pas l’ennui !

 

Le monument à Nadaud au Parc Barbieux ©EG

Faut-il ajouter que dans ses vers, en maints endroits, Nadaud a exprimé sa tendresse pour Roubaix, cette ville trop souvent dépeinte comme rébarbative, noircie par la fumée des usines, sentant le suint à longueur de rues :

« Oui, tout me charme et me pénètre

Dans ce coin de terre et de ciel.

Si j’étais fleur, j’y voudrais naître,

Abeille j’y ferais mon miel.

 

Pourquoi ? Je m’en vais vous le dire

Et vous me donnerez raison :

Ce site, ce toit que j’admire

C’est mon pays et ma maison. »

 

Combien de ses confrères ont rendu un juste hommage à notre chansonnier, entre autres Th. De Banville, F. Coppée, Th. Gautier, L. Halévy, A. de Musset, Sully-Prudhomme, et jusqu’au redoutable L. Veuillot ! A Paris, ses chansons étaient programmées aux spectacles de l’Alcazar, du Ba-Ta-Clan, de l’Eldorado. Son Opéra-comique de salon « Le Docteur Vieuxtemps » fut joué en présence de Napoléon III et de la princesse Mathilde.

Et même, ensuite, certaines de ses œuvres ont été interprétées par des artistes connus, tels Julos Beaucarne Pierre Bertin, Georges Brassens, Raoul de Godewaersvelde, Armand Mestral…

Gustave Nadaud a jadis figuré dans les « Morceaux Choisis » scolaires. Aujourd’hui, ne serait-il pas souhaitable que les jeunes élèves puissent apprendre quelques-uns de ses meilleurs poèmes : « Le Nid Abandonné », « Le soldat de Marsala », « Les Trois Hussards » par exemple… Encore faudrait-il qu’elles soient rééditées, comme elles le furent en 1957, sous le patronage de la ville de Roubaix, par La Muse de Nadaud…

 

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