« C’est le roi Dagobert
Qui met sa culotte à l’envers.
Le grand Saint Eloi
Lui dit : mon bon roi ……. »
(Fragment d’une ancienne chanson.)
Une circonstance frivole, a dit quelque part un auteur, décide bien souvent du plus ou du moins de célébrité qui s’attache à son nom.
Deux hommes, je suppose, se sont rendus également célèbres ; ils ont été l’honneur et la gloire de leur patrie ; eh bien ! L’un est oublié par la foule nombreuse de ceux qui n’ont point étudié l’histoire de leur pays ; tandis que le hasard, un mot, une chanson burlesque, une circonstance bizarre ont l’acquis à l’autre une célébrité populaire qui se conserve malgré le cours des siècles.
C’est ainsi que la multitude connaît le nom de Dagobert et ignore ceux de Clovis et de Charlemagne. Qui ne connaît cette chanson devenue populaire par son extrême naïveté et dont nous donnons ici quelques lignes : elle a plus fait pour la gloire du roi Dagobert 1er que les victoires qu’il a remportées contre les Slaves, les Saxons, les Bretons et les Gascons.
Une chose qui blesse surtout la vérité, et qui, en dépit de la voix de ce juge sévère, mais impartial, que l’on nomme l’Histoire, se transmettra d’âge en âge, c’est l’épithète de « bon roi » que lui donne Saint Eloi dans la chanson que nous venons de citer ; mais ceux qui connaissent l’histoire de leur pays savent à quoi s’en tenir sur un mensonge aussi étrange.
Clotaire II étant mort, Dagobert dépouille son frère de la succession de son père et redoutant l’influence de Brunolphe qui défendait les droits de Caribert, il le fait assassiner. L’année suivante, Childéric, son neveu, meurt ; l’histoire accuse Dagobert de l’avoir empoisonné. Les vices de Dagobert, les impôts dont il accable le peuple, les hommes vertueux qu’il immole à ses injustes soupçons, affaiblissent et avilissent l’autorité royale ; son avarice excite les murmures des grands. Et ce n’est point tout : dix mille familles Bulgares chassées de la Pannonie par les Awares viennent demander un asile à Dagobert ; avant de statuer sur leur sort ce roi leur permet de passer l’hiver dans ses états, et bientôt il les fait égorger dans la même nuit.
Ayant vaincu les saxons, il lui prend fantaisie de faire couper la tête de ses prisonniers dont la taille dépassait par la hauteur de sa longue épée de guerre… quelle cruelle bonté !
Dagobert, exténué de débauche, meurt à l’âge de 38 ans. Néanmoins ce prince sera toujours pour la multitude le bon roi Dagobert !
Un des premiers textes écrits par Théodore Leuridan
Ce texte est paru dans l’Indicateur de Tourcoing le 25 octobre 1840